Récit de Roland Verkindère Historien Local
De 1945 à 1955, Halluin se remet à vivre et va changer sur bien des plans.
Etouffés pendant la guerre sans être totalement anéantis, ses atouts vont de nouveau compter :
- sa population qui a l’expérience et le goût du travail,
- sa proximité de la frontière et du trafic transitaire
- ses industries manufacturières en plein redémarrage même si les matières premières sont encore trop rares,
- sa volonté d’avancée sociale pour tous ses habitants.
Chacun aspire à la reprise.
Du côté municipal…
Ces changements interviennent dans des conditions nouvelles. Encore timide l’alternance politique est acquise au niveau municipal. Elle peut être gage d’un meilleur contrôle démocratique et d’une volonté de progrès mieux partagé.
Le contexte national donne cependant aux militants locaux du MRP, du PC, de la SFIO, du RPF l’occasion de faire connaître leurs divergences d’appréciation. Ils s’affrontent parfois sur de grandes questions qui marquent cette période d’une manière intense.
- la guerre froide et l’attitude par rapport à l’URSS et ses satellites soumis à la dictature stalinienne ; le mouvement de décolonisation et pour l’indépendance manifeste en Extrême-Orient (Vietnam, Cambodge) et en Afrique du Nord (Tunisie, Maroc, Algérie) avec les conflits et les affrontements qui en découlent ; la construction progressive du Marché commun et les débuts d’une aventure européenne, d’abord économique. Et là aussi les opinions divergent.
En avril 1945 les élections municipales (un seul tour a suffi) ont donné un conseil municipal monocolore sans que la liste adverse puisse siéger au conseil.
Aux nouvelles élections municipales de 1947 la liste soutenue par le PC obtient treize sièges, celle s’appuyant sur le MRP douze sièges et la SFIO, deux sièges. Un accord entre MRP et SFIO (Joseph Wanquet, maire Gérard Verkindère, premier adjoint) leur donne la majorité au conseil. La majorité change d’orientation.
Treize sièges reviennent aux conseillers de la liste PC avec à sa tête Gustave Casier. La direction de la municipalité leur échappe. Ils participent aux réunions de commissions et aux séances du conseil, s’expriment sur les projets de délibérations, s’abstiennent ou votent pour ou contre selon les cas.
Cette situation dure de 1947 à 1953. A cette date, renouvellement du conseil. La situation se complique : le PC obtient treize sièges, le MRP, douze et la SFIO, deux. La position de la SFIO a évolué depuis 1947. Monsieur Le Gall, son porte-parole au conseil, veut jouer, comme il le déclare, le rôle de « charnière » entre les deux blocs. Cette attitude entraîne un retour du PC à la tête de la commune.
C’est Robert Casier, le frère de Gustave qui prend le relais. La position du PC est précaire compte tenu de cet appui intermittent des conseillers socialistes. Bien des décisionq sont contestées et rejetées par un vote 12 + 2 (MRP + SFIO).
On tente de se neutraliser réciproquement. Le conseil municipal, faute d’une majorité stable, est condamné à l’immobilité.
Le budget supplémentaire n’étant pas voté pour 1956, la dissolution est décrétée en 1957, avec de nouvelles élections municipales.
« L’e cat est din l’horloche »
Autres sujets de disputes à coups de tracts, de déclarations voire d’invectives, les politiques menées par les uns et les autres en faveur des anciens, des sports et de la jeunesse, chaque camp se plaignant amèrement du clientélisme de l’adversaire.
Une pomme de discorde majeure : la querelle scolaire
Sur cette question les « laïques refont l’unité ; Aujourd’hui des mesures d’apaisement et d’équilibre acceptées par le plus grand nombre ont fait que cette querelle appartient largement au passé. Elle n’était pas propre à la France, la Belgique toute proche l’ayant connue à peu près à la même époque.
Mais dans les années 1950-1960, cette question déchaîne les passions avec parfois des accents d’un sectarisme injustifié, les procès-verbaux de l’époque en témoignent. Il faudra localement bien du doigté et beaucoup de bon sens pour mettre au point des mesures équitables qui respectent les convictions des uns et des autres en matière d’enseignement et d’éducation.
Mais en 1955, au niveau municipal « l’ecat est din l’horloche ». On a un peu l’impression à écouter les contemporains et à se remémorer ses propres souvenirs de sexagénaire avancé, qu’à Halluin on piétine après le bel élan de la Libération. A s’invectiver, on se paralyse.
La création de quartiers nouveaux
Ces querelles, parfois bien mesquines, ne doivent pas masquer cependant une relance de l’économie marquée par un quasi plein emploi que nous envions aujourd’hui, une politique du logement (location et accession) certes controversée mais bien réelle : Vieux Moulin, Mont Fleuri, Colbras autour de l’église, rues Anatole France, Marc Sangnier et Léon Blum… puis d’autres projets.
Certes une autre stratégie viendra plus tard avec une tentative de reconquête du centre-ville sur l’emplacement d’anciennes entreprises et la réflexion à mener sur des réalisations mêlant habitat, commerces et services de proximité.
Dans un premier temps, c’est le confort de base qui est visé : eau, chauffage, sanitaires, jardinets de détente avec le souci collectif des espaces communs et de la voirie nécessaire. Qui doit payer ? Les avis divergent et la gestion paritaire du CIL ne convient pas aux idées et convictions du PC voire des socialistes plus tentés par des solutions de type HLM.
Les photos des maires
A côté de ces vraies questions de gouvernance municipale, ce qui peut sembler détails sans grande portée peut prendre une dimension considérable. Et là les positions antagonistes prennent parfois un tour bizarre. Ainsi au projet de faire figurer dans la salle des mariages de la nouvelle mairie (l’actuel hôtel des impôts rue de Lille) les portraits des anciens maires de la ville, deux conceptions s’affrontent.
Faut-il y afficher les photos de tous les maires de la commune ou ne retenir que ceux des maires décédés en cours de mandats ? Les deux positions sont défendues. La première l’emporte.
Que conclure sur cette période ?
C’est trop facile d’être sévère a posteriori. Il semble néanmoins qu’apparaît assez nettement un décalage entre les besoins de relance de la commune et la difficulté d’installer aux commandes une équipe porteuse de projets réalistes et assurée à la fois d’un appui fort de la population et d’une majorité stable au conseil.
On se marque à la culotte et on disperse ses efforts au point de décourager les plus dynamiques. Mais les réalités vont rapidement s’imposer : des modes de vie nouveaux se manifestent relançant les industries textiles, du bois, du papier peint ; l’engorgement de la frontière et de la rue de Lille plaident rapidement pour Halluin-Est ; les besoins de formation et l’allongement de la scolarité imposeront des établissements secondaires pour prolonger les écoles élémentaires.
Des formes de vie nouvelle sont en perspective et conduiront aux évolutions nécessaires atténuant avec le temps et l’âge les querelles subalternes. Des signes dès 1965 ? C’est notre prochaine étape.
(Archives, La vie chez nous, 2006).
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