Publication relative à l'histoire de la ville d'Halluin 59250. Regard sur le passé et le présent.
Par brandodean
Ordonné prêtre depuis peu, à 34 ans, Joseph Ledoux s’embarquait pour l’Océanie. C’était en 1936. Il devait y rester une vingtaine d’années…
Il aurait bien voulu y retourner encore, dans ces îles paradisiaques des antipodes, après avoir été rapatrié pour cause de maladie en 1956. Des îles comme la plupart d’entre nous n’en verront que sur des cartes postales, avec cocotiers, lagons transparents et colliers de fleurs tressées.
Des îles dangereuses, aussi. Avec des requins, des sorciers, et des Japonais vindicatifs. L’aventure d’une jeune prêtre halluinois, à l’autre bout du monde, qui durant vingt années a prêché en faveur de la foi catholique. Profession : missionnaire, tout simplement.
C’est par où, les îles Gilbert ? Tout simple : vous descendez tout droit vers le sud, jusqu’à la Méditerranée. Là, plouf, vous traversez. Ensuite, direction le sud de l’Afrique, en commençant à se méfier du côté du Mozambique (il va falloir prendre à gauche). Quand Madagascar se profile à l’horizon, on se jette de nouveau à l’eau, cap à l’est. Et juste avant la Malaisie, attention à ne pas les dépasser, il y a les îles Gilbert, qui barbottent à quelques quatre cents miles marins des Fidji.
La force de la vocation
Ce périple hors du commun, un jeune prêtre l’a parcouru, l’année de ses trente-quatre ans, quelque temps après avoir été ordonné prêtre. C’était en 1936 et il n’y avait pas d’autre moyen de transport que le bateau qui mettait plusieurs mois pour arriver à destination.
« La vocation ». Pas d’autre nom pour décrire cette force qui a poussé ce jeune Halluinois né en 1902 à devenir missionnaire. Une vocation appuyée sur la foi.
« J’ai toujours voulu être prêtre. Après des études commencées chez les Maristes et terminées chez les Assomptionnistes, l’abbé Rémi, d’Halluin, qui savait que je cherchais à devenir missionnaire, m’a parlé des frères du Sacré-Cœur, implantés à Louvain et Issoudun. Mais, avant de m’embarquer pour aller à la découverte des îles de l’Océanie, j’ai fait mon noviciat à Marseille, une année de philosophie à Strasbroug, quatre à Fribourg, en Suisse. J’ai apprid le latin, le grec et l’hébreu ».
Puis est venu le jour du grand départ pour les antipodes. Un voyage de plusieurs semaines en bateau. Puis le jeune prêtre parcourt la Papouasie (Nouvelle-Guinée) et l’Australie, avant de venir s’échouer à Topi Téou Heia, un petit bout d’île perdu dans l’Océan Indien.
Empoisonné
« Des îles, en fait, il y en avait des centaines comme la mienne. Avec, éparpillées au petit bonheur la chance, une vingtaine de missionnaires français, qui avaient à leur charge près de 40.000 âmes ».
Les rapports des missionnaires et des habitants de ces îles sont bons. « Ils n’avaient rien d’effrayant. Par contre, sur le plan spirituel, zéro pointé : un peuple animiste, qui voyait l’intervention de l’âme partout, au point d’en attribuer une aux objets et aux végétaux ».
Dès son installation, dans une hutte semblable à celle des habitants de l’île, le père Ledoux est mal vu des Anglais, protestants et qui n’ont aucune envie de lui faciliter la tâche.
Sa maison est installée au milieu de Topi Téou Héia, à un endroit que les autochtones craignent. Certains prétendent que des esprits malins en seraient les maitres. Rapidement, le prêtre est lui-même considéré comme un sorcier. D’autant plus qu’ayant appris la radiesthésie en Europe, il est capable de « soigner certaines maladies ». Une situation qui déplaît aux « véritables » sorciers du coin. A tel point que ces derniers essaieront par deux fois de l’empoisonner, avec une drogue violente tirée du foie d’un poisson.
« Il n’y avait personne pour me soigner. Pas de médecins, pas de médicaments. Je me suis accroché et j’ai réussi à m’en sortir ».
Aux prises avec les Japonais
Nouvelle épreuve, nouveau flirt avec la mort, dans les années 42-43. La guerre mondiale fait irruption dans ces contrées coupées de tout. Les Japonais se rendent maîtres des îles.
« Ils donnaient la chasse à tout ce qui avait la peau blanche. Les deux missionnaires qui vivaient sur des îles proches de la mienne ont eu la tête tranchée. J’ai dû fuir par la mer, et me cacher près d’une barrière de corail. J’avais le choix entre les Japonais et les requins. J’ai choisi les requins ». Joseph Ledoux rigole franchement :
« Des requins, j’en ai mangé beaucoup en vingt ans. La nourriture des habitants de cette région était constituée de poisson et de noix de coco. Menu unique, trois fois par jour, tous les jours de la semaine. Il a bien fallu que l’estomac s’y fasse ».
En 1956, Joseph Ledoux tombe gravement malade. C’est la fin de l’épopée. Sa congrégation lui confie de nouvelles missions plus sédentaires, qu’il accepte. La direction d’un hôpital psychiatrique dans le Cher. Celle des orphelinats de Chateauroux.
Enfin, en 1989, le vieil homme a trouvé une place à la maison de retraite d’Halluin.
Une ville qu’il avait quittée, il y a tellement longtemps, pour ces contrées extraordinaires de l’Océan Indien. Et quand il s’y replongeait, en pensée, ses yeux couleur lagon devenaient rêveurs.
Le Père Joseph Ledoux est décédé le 16 Mai 1994.
(Archives D.D., Presse).
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