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Publication relative à l'histoire de la ville d'Halluin 59250. Regard sur le passé et le présent.

La Légion d'Honneur de Maurice Schumann, remise au résistant halluinois Albert Desmedt.



Il y a  20 ans, le résistant, journaliste honoraire, conseiller général de Tourcoing-Nord, le maire d’Halluin en exercice devait décéder le 25 juillet 1987 à son domicile.

 

Agé de 70 ans, Albert Desmedt avait consacré plus de 40 ans de sa vie à l’écoute de ses concitoyens et des habitants de la Vallée de la Lys.

 

En mai 1945, il était entré à la rédaction de « Nord Eclair » pour couvrir l’actualité de ces communes frontalières. Une expérience d’homme de terrain qu’il mit ensuite, à partir du 1er janvier 1959,  au service de « La Voix du Nord », toujours dans la Vallée de la Lys et qui fut pour beaucoup dans sa carrière politique. Sa compétence, sa plume permirent à l’édition « Métro-Lys » de prendre un remarquable essor.

 

Chacun, outre la sympathie qu’il lui portait appréciait l’humour d’Albert Desmedt, ses billets signés « ADES », spirituels, incisifs mais jamais méchants. Au sein du journal VdN on l’écoutait attentivement. Sa franchise, parfois dérangeante, était appréciée. Il sut prendre des responsabilités syndicales : c’est ainsi qu’il fut élu délégué syndical, qu’il fut membre du comité d’entreprise de « La Voix du Nord » et membre du bureau national de la C.G.C.

 

Après 22 années au service du journal, en décembre 1981, une foule impressionnante vint souhaiter une bonne retraite à Albert.

 

Mais pour Albert Desmedt, retraite ne pouvait signifier inactivité. C’est ainsi qu’en mars 1983,  il se présentait en effet aux élections municipales à Halluin. Et lui qui avait couvert tant d’évènements le crée. A la surprise des pronostiqueurs, avec sa liste il emporte la mairie et devient maire d’Halluin le 19 mars 1983 au soir.

 

A la tête d’une liste d’amis représentant un large éventail socio-professionnel, ayant obtenu « sans le solliciter » le soutien du RPR et de l’UDF au second tour, Albert Desmedt qui avait développé sa campagne sur le thème « sécurité et gestion » devait d’abord son élection au réseau de relations sans pareil qu’il avait noué au cours de sa carrière professionnelle.

 

Et si en mars 1985, il se présentait aux élections cantonales, toujours sans réclamer le soutien de formations politiques, c’était plus pour contribuer à sortir la vallée de la Lys de son isolement que par ambition personnelle.

 

Elu, là encore à la surprise de beaucoup d’observateurs, le maire d’Halluin devenait le nouveau Conseiller Général du canton, en devançant largement son rival socialiste avec plus de 60 % des suffrages. Albert Desmedt quasiment plébiscité dans certaines communes de la vallée de la Lys n’en avait pas pour autant négligé ses obligations halluinoises.

 

« Mon élection à la mairie, c’est ce qui m’a fait le plus plaisir de toute mon existence », confiait-il au soir des cantonales.

 

Halluinois de cœur, Albert Desmedt qui, à l’âge de la retraite s’était lancé dans la politique locale pour « faire quelque chose de concret » pour sa ville et ses concitoyens, laissera le souvenir d’un homme cordial, à l’esprit très vif, ponctuant toutes ses interventions d’anecdotes, de bons mots… ou de « piques » assassines à l’endroit de ses adversaires politiques qui cherchaient à titiller.

 

Né à Bousbecque le 13 décembre 1916, d’une famille comptant douze enfants. Durant la guerre, dans cette petite commune de la vallée de la Lys où l’un de ses frères est adjoint au maire en 1987, et où il s’était installé avec son épouse, il occupa les fonctions de chef de service du ravitaillement.

 

Tout de suite, il mit son courage et son patriotisme au service des Résistants, des réfractaires et des prisonniers évadés. Il milita au mouvement « Voix du Nord » et hébergea à différentes occasions Jules Houcke, l’un des patrons de ce mouvement.

 

En septembre 1944,  Albert Desmedt, avec des amis, capture trois soldats allemands. Ceux-ci font semblant de se rendre mais mettent les Résistants en joue et les prennent en otage, pour se protéger d’éventuelles attaques des F.F.I.

 

Un accrochage a lieu le soir près de la frontière. Les Allemands abandonnent sur le terrain quelques-uns de leurs otages morts ou laissés pour tels. On ne donnait guère de chance à Albert Desmedt, grièvement blessé au poumon et à l’estomac, qui fut miraculeusement sauvé dans une clinique de Tourcoing.

 

Il laissera le souvenir d’un homme physiquement très courageux : Ses actes de Résistance, cette disponibilité, ce goût de servir mais aussi la simplicité et l’extrême amabilité d’Albert Desmedt lui valurent plusieurs récompenses.

 

 La Croix de Guerre tout d’abord, en 1947, et surtout la Légion d’Honneur étaient venues récompenser son action dans la Résistance.

 

A homme illustre, remise de décoration exceptionnelle. En mai 1972, M. Maurice Schumann, alors ministre des Affaires étrangères de l’époque vient à Halluin remettre les insignes de la Légion d’Honneur à celui qu’il appelle son confrère, son camarade, son filleul, son ami, son frère.

 

Au revers de la veste du chef d’édition de « La Voix du Nord », Maurice Schumann épingle la croix de chevalier de la Légion d’Honneur, pas n’importe quelle croix, la sienne reçue des mains mêmes du général Leclerc, commandant la 2e D.B.

 

Un peu plus de 40 années plus tard, c’est sur les cicatrices qu’il avait gardées que se développait la maladie qui devait lui être fatale. Cette maladie sans pitié l’a rongé, malgré une lutte farouche car Albert Desmedt laissera en premier lieu le souvenir d’un homme qui a lutté toute sa vie, jusqu’au bout. 


Mais les derniers temps la maladie l’emportait. L’une de ses dernières sorties fut pour l’inauguration de la bibliothèque municipale le 24 mai 1987. Il ne put le 30 juin présider la conseil municipal de sa cité. 


S’il n’avait plus la force d’être physiquement présent sur le terrain, il se tenait au courant régulièrement de la vie de cette ville et de cette région qu’il aimait par-dessus tout.

 

On ne l’appelait pas M. le Maire ou M. le conseiller général, mais tout simplement Albert.

 

Eloge funèbre de Maurice Schumann.

 

 

Lors de ses obsèques, célébrées en l’église Saint-Hilaire à Halluin, le jeudi 30 juillet 1987, M. Maurice Schumann membre de l’Académie Française prononça l’éloge funèbre de son ami, celui qui, rappela-t-il, le considérait « comme un frère aîné » :

 

« J’ai retrouvé sur ce cercueil ma croix de Légion d’Honneur, celle qui m’a été remise par le général Leclerc. Je ne pouvais la confier qu’à un frère. Je me souviens de te l’avoir épinglée, si près du cœur. De ce cœur qui a tant battu pour Geneviève, ton épouse, pour ta famille.

 

Un cœur qui souligna M. Schumann « a battu jusqu’au bout pour Halluin, pour Bousbecque, sa ville natale dont il fut le jeune élu, pour la Vallée de la Lys qui retrouva son unité autour de son nom en lui confiant son suprême et dernier mandat.

 

Ce cœur qui battit aussi et j’allais presque dire surtout pour la France. Il fut offert à la France dans les circonstances  les plus tragiques et il a survécu plus de 40 ans parce que Dieu fit pour lui ce qu’il convient d’appeler un véritable miracle.

 

Ce cœur enfin qui fut celui d’un ami fidèle entre tous. J’en apporte ici un témoignage bouleversant. Devant le peloton d’exécution, devant le coup de grâce, Albert Desmedt n’a pas faibli… Mais je l’ai vu pleurer à chaudes larmes l’infortune provisoire d’un ami.

 

Tout à l’heure, nous avons entendu sous les voûtes de cette église, de votre église, les accents de la Symphonie Inachevée de Schubert. Et je pensais qu’il y avait là un superbe symbole.

 

Votre trait essentiel était la joie. La joie que fit votre talent de journaliste, de journaliste plein d’une culture qui n’était redevable qu’à votre effort, journaliste de la bonne humeur.

 

Cette joie, nous savons, nous croyants qu’elle ne s’arrête pas avec la vie. Puissiez-vous la goûter maintenant dans la plénitude du rafraîchissement de la lumière et de la fête ».

 

 

(Archives et synthèse D.D.).

 

LIENS :    La Libération d'Halluin - Septembre 1944 (10) Albert Desmedt, le F.F.I. ressuscité !

La Libération d'Halluin - Septembre 1944 (11) De Bousbecque à Halluin, la libération sanglante...


La Libération d'Halluin - Septembre 1944 (12) Du côté de la rue de la Lys.

La Lys libérée en septembre 1944 - Des F.F.I. au Hameau des Bois, ou la Résistance Bousbecquoise.

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