Philippe Marcaille, archiviste de la ville, conseille, aide et assiste les chercheurs travaillant sur l’histoire d’Halluin, celle des institutions, des monuments, celle également de leur famille. Plongeons dans les coulisses de ce lieu unique qui fait ressurgir les valeurs du patrimoine.
Cela ressemble à une caverne. Les murs sont tapissés de papiers. Le plafond culmine à 2 mètres et les espaces sont encombrés d’étagères, de cartons et d’un peu de poussière.
Le maître des lieux se nomme Philippe Marcaille, archiviste de la mairie d’Halluin. Il n’y a que lui qui descend dans cet antre installé sous l’hôtel de ville.
«Lorsque quelqu’un me demande un document, je le sors. Si c’est quelqu’un d’extérieur aux services, je dois être présent lors de la consultation. Une feuille peut vite disparaître… » soupire l’archiviste. Et toute disparition est préjudiciable à la communauté. « Les archives font partie du bien commun et serviront aux générations futures ».
Alors inlassablement Philippe Marcaille cote, classe et range les documents officiels, les plans, les documents historiques… Il a commencé il y a une douzaine d’années.
« Halluin souhaitait mettre un peu d’ordre dans ses documents. Qu’une ville consacre une partie de son budget aux archives, montre qu’elle est soucieuse de son histoire ».
Aujourd’hui 430 mètre linéaires de documents courent dans les différentes salles de la cave. Mais les archives ressemblent au tonneau des Danaïdes : elles ne se tarissent jamais.
« Ah c’est sûr, il y a toujours de nouveaux documents à classer… ». Les délais légaux avant destruction sont souvent longs ; peu d’étagères se vident. Le moindre courrier doit être archivé pendant cinq ans.
« Par exemple, les documents sur le personnel municipal (fiches de paie, arrêts de maladie…) sont confidentiels. La prescription n’arrive qu’après 120 ans ! ».
Les archives municipales collectent, classent et conservent l’ensemble des documents produits par les établissements et services publics de la ville, Etat-civil, service sport, histoire locale, élections, les bulletins municipaux, la vie festive et associative, service finances. On compte plus d’une vingtaine de services répertoriés.
Des linéaires croulent sous les résultats d’appels d’offres. Les offres non retenues doivent être conservées trente ans. Celles sélectionnées sont archivées à vie !
Au sous-sol de la mairie se trouve toute l’histoire de la commune jusque dans ses moindres recoins. Tous les résultats de toutes les élections sont consignés depuis 1945. Les projets des manifestations de la ville depuis vingt-cinq ans.
« Ici nous avons des plans de la commune depuis le début du XXe siècle, par exemple… ».
Mais d’autres sont beaucoup lus anciens. Un compte-rendu de conseil municipal, à la superbe écriture, date de 1838. Déjà à cette époque, on parlait de la réparation du presbytère, des travaux de l’église Saint-Hilaire. En quelques sorte, les mêmes préoccupations qu’aujourd’hui, la boulimie de lois en moins et le papier jauni en plus.
Philippe Marcaille a également retrouvé des annuaires du début du XXe siècle. Le téléphone n’était installé que dans quelques foyers.
Si le plus ancien document (1581) mentionnant Halluin a été déposé aux Archives départementales, la ville conserve les recensements militaires. Le plus vieux est daté de 1789 ! D’autres pièces rares abondent, comme ce registre de flux migratoire :
« Cela permet d’intensifier les recherches au niveau généalogique. Les Halluinois devaient informer la mairie concernant leur situation personnelle, la destination de leur lieu de travail et surtout les raisons qui les poussaient à quitter la ville », explique l’archiviste.
Véritables trésors pour les historiens et les chercheurs, les archives sont également des sources incontournables pour les passionnés de généalogie.
« Tous les ans environ 150 personnes m’envoient un courrier me demandant quatre à cinq recherches ! C’est un travail important. En général, les personnes effectuent des demandes sur un thème bien précis. Il y a aussi beaucoup de recherches historiques sur le moulin ou les églises », assure Philippe Marcaille.
Aussi, Philippe Marcaille dispose d’un outil rare : un fichier de la population, vraisemblablement commencé au début du XIXe siècle.
« Sur chaque fiche, sont marqués les descendants ». Le recensement qui peut aujourd’hui sembler inquisiteur, s’est arrêté dans les années 50. « Sont même recensées dans ce fichier les congrégations religieuses ! ».
Alors qu’un journal officiel relate le procès de Louis XVI, les portraits des anciens maires s’entassent les uns sur les autres dans un petit local. On y trouve Gustave Desmettre premier maire ouvrier d’Halluin de 1919-1935, ou Pierre Defretin, grand personnage qui a été contraint d’abdiquer face aux Allemands.
Depuis 2003, les archives d’Halluin ont été classées au niveau du ministère. Elles sont intégrées à l’annuaire des archives de France :
« Tout ce qui est administratif progresse, mais les murs eux, ne s’étendent pas, on a de la chance que le maire considère les archives comme l’une de ses sources de préoccupation ».
Ce qui passionne avant tout Philippe Marcaille, ce sont les recherches. « Je n’aime rien que moins que rechercher un document, alors qu’il n’y a aucune piste. C’est un véritable challenge ».
Comme cette halluinoise qui recherche l’identité d’un Allemand qui était hébergé chez ses parents aux Tuileries pendant la Seconde Guerre mondiale. « On démarre de rien, mais on consulte, on fait appel aux archives de l’armée… C’est passionnant ».
Dans sa caverne, Philippe Marcaille veille sur les richesses historiques et prépare celles de demain… même lorsque la loi ne l’y oblige pas.
« Je n’ai pas pu m’empêcher de récupérer les vitraux de Saint-Hilaire lorsqu’ils ont été remplacés. Cela fait partie de l’histoire d’autant que certains ont été achetés par souscription publique ».
Philippe Marcaille fête, cette année, son 13e anniversaire à la tête des archives. Il avoue ne pas se sentir trop seul à ce poste.
« De temps en temps mes collègues ont la bonne idée d’éteindre la lumière quand je descends à la cave », sourit-il. Et de poursuivre par cette anecdote : « Une fois, ils l’ont fait quand j’étais en pleine recherche avec une dame. J’ai promis à cette dernière qu’elle ne devait pas avoir peur… »
Titulaire d’une licence d’histoire, notre archiviste espère « pouvoir apporter sa pierre à l’édifice pour toutes les générations futures ».
Son autre passion ? Les personnes âgées, « Elles ont toujours quelque chose à apporter. C’est grâce aussi à elle qu’on peut parfois reconstituer ce qui est oublié ».
L’auteur malien Amadou Hampaté Bâ n’a-t-il pas écrit : « Quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle »…
Bientôt, Philippe Marcaille se verra attribuer des locaux plus spacieux et fonctionnels, à l’emplacement de la salle municipale Emile Persyn, rue Gabriel Péri. Il était temps de revaloriser des conditions de travail qui devenaient de plus en plus difficiles. Car, assurément, il faut une forte dose de courage, et de passion surtout, pour archiver et préparer la mémoire de demain…
(Archives et Synthèse D.D., Presse).
Un ouvrage de 1884 sur Halluin…retrouvé en 2010 !
À Halluin, prononcer « Histoire » et l'on vous répondra « abbé Coulon »... Mais cet été, une découverte pourrait changer la donne avec un certain Édouard Leveckue qui rédigea un livre en 1884 ...
Quand Philippe Marcaille est arrivé comme archiviste il y a quinze ans à Halluin, il a rapidement entendu parler d'un livre plus ancien que le célébrissime ouvrage de l'abbé Coulon. Il a toqué aux portes des archives départementales, des bibliothèques, de tous ce qu'il pouvait, sans succès.
L'archiviste pensait le livre disparu. Jusqu'à cet été, quand une dame vint lui apporter des bulletins municipaux. Une prise toujours intéressante pour le fond halluinois mais Philippe Marcaille aperçoit d'autres documents. Et notamment ce livre, écrit par la main d'Edouard Leveckue, un chaisier passionné par sa ville.
« Au début, j'ai cru que l'abbé Coulon avait recopié ce livre puisque le sien date de 1905. Mais pas du tout, ce sont deux ouvrages différents . » Avec le concours de Jérémy Vincenti, son assistant depuis un an, le livre est lu. Là, pas de révélations fracassantes sur un volet ignoré de la vie halluinoise avec des informations sur les guerres contre l'Espagne, les fortifications de Vauban et des plans originaux.
« C'est un document digne d'intérêt, souligne P. Marcaille, mais il faut encore l'étudier pour savoir s'il est pertinent de la publier. Cela prendra du temps ». Pour le maire, Jean-Luc Deroo, la découverte de ce livre est une bonne nouvelle : « Nous sommes à l'affût de ce type de documents. On en connaît certains mais ils ne sont pas tous répertoriés, et donc difficilement accessibles. »
Les associations et historiens locaux vont bientôt plancher sur ce livre qui deviendra un nouvel outil pour la connaissance de l'histoire de la ville.
Cette découverte a été l'occasion de montrer le travail effectué pour le classement des archives. Le 32, rue des Frères-Martel accueille à présent 840 mètres de classeurs : Élections, sport, presse, culture ou documents officiels sont là.
Dans les caves de la mairie, il reste le fonds plus anciens avec l'état-civil, les délibérations du conseil municipal depuis 1812. Soit 340 mètres de rayonnage : « J'ai déplacé 15 tonnes d'archives,lance P. Marcaille, et il reste encore beaucoup de travail. » Car en plus du classement, les archives répondent aux demandes du public en généalogie et documents divers, « en espérant à chaque fois que la personne reparte avec le sourire ! », précise l'archiviste.
Les archives sont ouvertes du lundi au vendredi de 8 h à 12 h et 13 h 30 à 17 h. Sur rdv pour la généalogie.
(Archives, VdN, 31/8/2010).
Un nouveau pan de l'histoire halluinoise...
Voilà une trouvaille qui alimentera la littérature historique sur Halluin. Un ouvrage d'Édouard Levecque datant de 1884, a été remis cet été aux archives municipales. Historiens locaux et universitaires pourraient se pencher sur l'analyse de cette « nouvelle » Histoire d'Halluin.
C'est au hasard d'une rencontre avec une Halluinoise, qu'il met enfin la main dessus : L'histoire d'Halluin par Édouard Levecque. Un ouvrage datant 1884. « Je savais qu'il existait et je le cherchais depuis quinze ans », explique Philippe Marcaille, archiviste à Halluin depuis autant d'années.
Un trésor d'histoire locale puisque l'ouvrage vient compléter celui de l'abbé Coulon écrit en 1903. « L'abbé Coulon n'a pas eu l'ouvrage d'Édouard Levecque entre les mains, il y a des informations qu'on ne retrouve pas chez l'abbé », précise l'archiviste. Mais d'ajouter : « Ils ont dû se croiser dans leurs recherches. » La période étudiée couvre approximativement le XIIe siècle jusqu'à l'année 1884. « C'est assez factuel et historique. »
Des réunions de travail devraient prochainement être planifiées avec des historiens pour analyser l'ouvrage. De ce que Philippe Marcaille a déjà pu dénicher figurent des plans de fortifications de Vauban, des faits d'histoire datant des guerres espagnoles, une liste précise des religieuses résidant à Halluin...
« On pourra peut-être en apprendre davantage sur les conditions de vie des Halluinois », espère le maire. Un travail universitaire pourrait aussi être sollicité pour l'analyse de cette « nouvelle » Histoire d'Halluin.
(Archives, N.E., 5/9/2010).