« Halluin-la-Rouge : 1919-1939 » : c’est le titre d’une thèse de doctorat soutenue (avec succès) par Michel Hastings. Six années de travail et un passionnant document de 1.000 pages qui pèse… cinq kilos pour une « petite tâche rouge » !
C’est en avril 1988, à la Faculté des Sciences juridiques politiques et sociales de Villeneuve, que Michel Hastings, chercheur au Centre de recherches administratives, politiques et sociales (CRAPS) a soutenu sa thèse de Doctorat d’Etat.
La réussite était au rendez-vous puisque l’auteur a obtenu la mention « très honorable ». Avec un petit record à la clé : le dialogue entre Michel Hastings et les membres du jury dura… cinq bonnes heures !
A l’évidence, le jury était aussi passionné que le candidat. Il poussa même la conscience professionnelle jusqu’à aller visiter Halluin en cette fin du mois d’avril. Ce jury était composé de M. Maurice Agulhon, professeur du collège de France ; Mme Annic Kriegel, professeur à l’Université de Paris X ; M. Georges Lavau, professeur à l’Institut d’Etudes politiques de Paris ; M. Marc Sadoun, professeur à l’université de Lille II et M. Christian Marie Wallon Leducq, maître de conférences à l’Université de Lille II.
Dans le courant de cette année 1988, les passionnés d’histoire locale (et ils sont nombreux) peuvent se frotter les mains : ils auront la possibilité de se plonger dans un extraordinaire ouvrage consacré à la non moins extraordinaire période d’entre les deux guerres pendant laquelle les communistes dirigèrent la vie politique halluinoise.
Extraordinaire doit ici être pris au sens premier car comment qualifier autrement cet « Halluin la Rouge 1919- 1939 : aspects d’un communisme identitaire, singularités écologiques et stratégies d’implantation » que son auteur, Michel Hastings a accepté de venir nous présenter au lendemain d’une soutenance de thèse qui dura… cinq heures.
Quelques chiffres suffiront à vous convaincre. Partant pratiquement du néant (une simple tache rouge remarquée sur les anciennes cartes électorales de la France », Michel Hastings a travaillé six ans sur le sujet. Archives, statistiques, témoignages, réflexion personnelle et au bout du compte quatre épais volumes affichant la bagatelle de 1.000 pages et le respectable poids de cinq kilos !
« Ce qui m’a intéressé, explique Michel Hastings, qui n’avoue avoir aucun lien particulier avec Halluin (il est né au Canada !) c’est de comprendre comment une petite ville d’apparence anodine est devenue cette « Halluin la Rouge » dont on parlait… jusqu’à Moscou ! Savez-vous que l’Humanité a traduit nombre d’articles de la Pravda dans lesquels Halluin était glorifiée ? ».
Inimaginable de nos jours
Michel Hastings ayant eu besoin de 1.000 pages pour répondre à la question qui le chiffonnait, nous n’aurons pas la prétention de résumer sa thèse en quelques lignes « il faut bien comprendre, précise-t-il d’ailleurs d’emblée, qu’il s’agit d’un travail de sciences politiques et non pas d’un récit historique où fourmilleraient les anecdotes savoureuses ou inédites ».
N’allez pourtant pas imaginer Michel Hastings sous les traits d’un vieil universitaire à longue barbe employant un vocabulaire inaccessible au commun des mortels. Si son ouvrage est d’un haut niveau (on ne devient pas Docteur d’Etat d’un coup de baguette magique), ce jeune chercheur… de 30 ans seulement s’est visiblement plongé avec délectation dans la réalité d’une époque pas si éloignée que cela. Il vous en parlerait des jours entiers !
Et quoi qu’il en dise, les quatre volumes de sa thèse recèlent des documents étonnants.
Les générations qui n’ont pas connu la première moitié de ce siècle y découvriront une « ambiance » quasi inimaginable aujourd’hui et issue d’une situation que Michel Hastings rappelle avec le souci d’une extrême précision :
« En 1886, 78 % des Halluinois sont des Flamands et 98,4 % des ouvriers de l’industrie travaillent dans le textile ». Notons ici, en aparté, que 50 % des commerces de détail sont alors… des cafés !
1923 : pas un jour sans grève !
On comprend mieux qu’un peu plus tard, un commissaire de police (leurs rapports sont forts instructifs) se plaignait en ces termes au préfet : « Je vous serais très obligé de vouloir bien me faire connaître votre avis sur la question suivante qui me cause un assez vif embarras. Dois-je tolérer que les orateurs emploient au cours des réunions publiques la langue flamande que je ne comprends pas ? ».
Et que dire que ces chiffres époustouflants que Michel Hastings a sorti des archives au sujet des grèves à Halluin la Rouge : « Sans prendre position, on peut comprendre le ras-le-bol des patrons, explique-t-il en souriant, quand on sait, tenez-vous bien qu’en 1923, il ne se passera pas une seule journée sans qu’une fraction de la communauté ouvrière ne soit en grève… ».
C’était au temps d’Halluin la Rouge, « La Mecque du communisme dans le Nord » : une véritable épopée marquée par des conflits syndicaux quasiment ininterrompus mais aussi par d’incroyables festivités organisées par la municipalité. Comme ces « fausses » et grandioses funérailles de Désiré Ley, le secrétaire général du Consortium patronal le 9 mars 1924.
Un film de cette parodie funèbre a été tourné et telle une relique, il a été remis… aux ouvriers textiles de Bakou,en Union Soviétique !
On vous le redit, le travail de Michel Hastings est ex-tra-or-di-nai-re !
(Archives N.E., 30/4/1988).
Un livre « Halluin La Rouge ».
C’est le 22 juin 1991, que Michel Hastings est venu présenter son livre intitulé « Halluin la Rouge, 1919 – 1939, aspects d’un communisme identitaire », un ouvrage de 440 pages, publié par les Presses universitaires de Lille. Ce jour-là, en présence du maire Alexandre Faidherbe, il est venu présenter et dédicacer son livre.
L’auteur définit en quelques mots le contenu de ce gros ouvrage :
« Halluin , aujourd’hui une ville sans histoire, Halluin la Rouge, entre les deux guerres, une ville dans l’Histoire. Vingt années d’une formidable épopée révolutionnaire pendant lesquelles une petite cité frontalière du département du Nord deviendra « la ville sainte du communisme », « la citadelle assiégée ».
« Comment expliquer la conquête brutale par le P.C. en 1920 d’une commune jusque là conservatrice ? Une des clés de l’aventure des tisserands d’Halluin la Rouge ne résiderait-elle pas dans la nature du communisme local ? ».
« Il est apparu que le parti communiste halluinois liait son destin et sa légitimité à la défense d’un sentiment d’appartenance au terroir communal. Dirigeants et militants se sentiraient investis du pouvoir et du devoir de refaire le groupe, de forger une image positive de la communauté ».
« Cette parenthèse communiste correspond à un moment historique du développement démographique, politique, économique d’Halluin qui contraint ou invite le Parti à répondre à certaines demandes sociales. Halluin la Rouge serait donc l’histoire d’une rencontre entre une société locale en crise et un mouvement politique producteur d’un discours d’auto-définition ».
« Ordonnateur festif, militant syndical, historien nostalgique, porte-parole des Flamands de la seconde et troisième génération, tels furent les rôles principaux qu’accepta de jouer ce communisme colporteur d’identité ».
Une ville dans l’Histoire…
Imaginez une ville, dont la renommée de « ville sainte du communisme », de « citadelle assiégée » dépassait les frontières de notre pays pour arriver jusqu’à Moscou et au Vatican…
Imaginez une ville noyautée par le PC,vivant au rythme des conflits sociaux et des fêtes rouges, avec son petit peuple de bobineuses, épeuleuses et autres ourdisseurs !
Imaginez une ville qui vit une guerre ouverte entre la municipalité et le Commissaire de Police, une guerre « jalonnée de plaintes contre les brutalités gendarmières, d’arrêtés municipaux stigmatisant « l’invasion policière » et refusant de loger les gardes mobiles ».
Imaginez une ville qui devient socialiste, puis communiste, alors que la France se teinte de Bleu Horizon… Une ville qui compte plus de 80 % d’ouvriers ;;; Qui ne vit que du textile… Et une municipalité qui ne cesse de souffler sur le feu des grèves… Qui crée des fonds de soutien aux grévistes… Un village d’Astérix du communisme…
Cette ville c’est Halluin, dans les années 1919 à 1939.
« Halluin aujourd’hui, une ville sans histoire. Halluin entre les deux guerres, une vile dans l’Histoire ». Pour lapidaire qu’elle soit, cette formule de Michel Hastings en dit long sur ces « vingt années d’une formidable épopée révolutionnaire… ».
Formidablement documenté et rigoureux, le livre de Michel Hastings retrace l’histoire d’Halluin la Rouge. Un livre qui fera le bonheur des amateurs d’Histoire. Un livre fiable et bourré d’anecdotes, mais un peu austère également. Un livre qui de toute façon fera date dans la mémoire collective de la ville.
A la question suivante : « Votre ouvrage remonte loin en arrière avant 1919, mais il s’arrête net en 1939. Serez-vous l’auteur d’une « Histoire d’Halluin », des origines à nos jours ?
Michel Hasting : « Ce serait une grande joie ! On ne travaille pas des années sur une ville sans s’y attacher ! Mais ce ne pourrait être qu’un ouvrage collectif, regroupant des spécialistes des différentes périodes historiques.
(Archives et Synthèse D.D,. VdN, N.E. Juin 1991).
L I E N S : Halluin et son histoire.
Evolution démographique halluinoise à travers les siècles.
Borne Autrichienne ?
Légendes et superstitions halluinoises.
Le château du Molinel
"Le klute-Put"