Le 28 février 1985, le Docteur Charles Dereu s’éteignait à l’âge de 85 ans. Linsellois d’origine, il s’était installé à Halluin en 1925 où il effectua toute sa carrière professionnelle en qualité de médecin généraliste.
Mobilisé en 1939, le Docteur Dereu termina la campagne 39-40 comme médecin commandant, puis reprit son activité de généraliste en assurant cependant la défense civile et les soins à une dizaine de résistants, et à plusieurs blessés en septembre 1944.
Membre éminent de plusieurs sociétés de médecine, sa grande culture lui ouvrit, également, les portes de la société des écrivains médecins français et de la société des poètes français.
Rappelons que le Docteur Dereu est l’auteur, notamment, d’un recueil de poèmes intitulé : « Au carrefour du sentiment et de la pensée ».
Dans ce recueil, on peut y trouver un poème sur la mort d’une jeune soldat halluinois, Régis Verschae, Maréchal des Logis au 30ème Régiment des Dragons, survenu le 22 janvier 1961 durant la Guerre d’Algérie, alors qu’il n’était âgé que de 22 ans, et qu'il aurait dû être libéré dix jours plus tard.
C’est ce poème que je publie ci-après, que l’on peut dédier à la mémoire de tous les combattants qui se sont tant battus pour notre liberté, et qui y ont laissé leur vie.
Sur la mort d’un soldat
Il était jeune et beau, son âme restait tendre.
Il git sous un ciel bleu. Serait-il mort en vain ?
Il ne connaîtra plus les ciels brumeux de Flandre
où le pain ne pourrait être bon sans levain.
Les kabyles, là-bas, l’ont connu sous les armes,
ils l’ont vu professeur et puis encor soldat.
Ils surent qu’un Français ne verse pas de larmes
mais qu’il n’en aime point pour autant le combat.
Il n’est pas ici-bas de souffrances stériles.
« Heureux chantait Péguy, les épis moissonnés ».
Sont-ils heureux vraiment ? Du moins ils sont utiles
et sous la faux ils sont parfois prédestinés.
«Une âme, tu le sais, ne meurt pas toute entière ».
Ainsi parlait jadis le poète latin.
Pour toi, jeune Français, est close la carrière
dans l’orbe où s’est inscrit, hélas, ton court destin.
En mon pays natal, des amours m’étaient chères
et dans mon bled lointain formaient mon seul avoir.
Adieu ! Qu’à ces amours ma voix familière
Redise encor ces mots : amour, espoir, devoir ! »
Ta tombe va s’ouvrir un jour au cimetière
où, petit enfant, tu trottais d’un pas léger ;
en la glèbe d’argile et sous une bruyère,
il te sera, crois-nous, un frais et doux verger.
Régis, ô notre ami, tu n’avais pas de frère.
Se brise une lignée où manque un seul chaînon.
Dis-nous. Que restera-t-il de toi sous la pierre ?
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« Sur une croix de bois, mon nom, mon simple nom ».
Charles DEREU
(Archives Daniel Delafosse).