Il y a 20 ans, on pouvait lire ceci dans la presse locale :
Bicentenaire de la Révolution française : l’anniversaire fait couler beaucoup d’encre et de salive. Que n’a-t-on pas écrit, que n’a-t-on pas dit, que n’a-t-on pas chanté et dansé dans les fêtes scolaires, que n’a-t-on pas vu et entendu et lu ?
Le hasard a voulu qu’en janvier 1989, un Halluinois, Daniel Delafosse, eut la grande surprise de se retrouver dans un hôpital parisien avec le comte de Paris. Tous deux subissaient, au même moment, une opération chirurgicale.
Après sa convalescence, le 13 juin 1989, le comte de Paris invita Daniel, son frère Francis, ainsi qu’une sœur Marie-France, à Chantilly, dans le cadre de la Fondation Condé qui est désormais le centre de sa vie.
Daniel Delafosse a été très impressionné par cette visite. On sait quel attachement il porte à l’Histoire et à la recherche… par son métier, par goût, voire passion personnelle. Et il a voulu rendre hommage au chef de la Maison de France :
« On ne peut qu’être impressionné par le côté historique du personnage et par ce qu’il représente. En même temps, il dégage une telle simplicité et un tel attachement, que le visiteur reste complètement sous le charme ».
Les hôtes du comte ont échangé plusieurs sujets d’ordre privé. Daniel Delafosse lui a fait évoquer sa randonnée interdite à Bouvines en 1931, l’Afrique noire, en passant par les évènements récents qui se sont déroulés en Pologne, en Chine, en U.R.S.S., et en Europe. Daniel D., à ce propos, cite le comte qui n’est pas pour la supra-nationalité, mais pour « l’Europe des patries » et que pour lui, seuls les pays monarchiques conserveront leur identité nationale.
Malgré son âge, le comte est un homme qui travaille beaucoup. En dehors des nombreuses manifestations qu’il continue d’honorer, il se consacre essentiellement à deux fondations dont il est le président : la fondation Saint-Louis, installée au château d’Amboise, à caractère culturel et surtout la fondation Condé à Chantilly, à but social et humanitaire. C’est un centre gériatrique qui accueille 180 personnes âgées jusqu’au terme de leur vie. C’est là que le comte trouve auprès de ses pensionnaires et amis l’affection et la reconnaissance.
Daniel Delafosse évoque le comte :
Si en 1989, on fête essentiellement le bicentenaire de la Révolution, c’est également le quadricentenaire de l’avènement d’Henri IV, ainsi que la commémoration de la mort de Louis XVI.
Il y a 196 ans, le 21 janvier 1793 , à 10 h 30, « Louis Capet » montait sur l’échafaud, place de la Révolution, aujourd’hui place de la Concorde. Chaque année, au jour anniversaire, les partisans de la Famille de France se côtoient pour évoquer la mémoire du souverain martyr, en dépit de leurs divergences politiques.
Car, aujourd’hui, les uns reconnaissent le comte de Paris, les autres Alfonso de Bourbon, duc de Cadix, décédé accidentellement le 30 janvier 1989, qui laisse un fils Luis-Alfonso âgé de quinze ans.
Entre les Orléans de la Maison de France et les Espagnols des Bourbons d’Ampierre, tous descendants d’Henri IV, il y a, effectivement, un contentieux dû au petit-fils de Louis XIV qui était parti en Espagne. Néanmoins, la société civile et le roi Juan Carlos comme tous ses « confrères » européens, n’ont jamais cessé de reconnaître Monseigneur le comte de Paris, comme chef de la Maison de France et le légitime prétendant au trône de France.
686 descendants de Louis-Philippe
En 1810, Louis-Philippe, duc d’Orléans, qui deviendra en 1830 Louis-Philippe 1er roi des Français, eut un fils aîné, le prince Ferdinand, duc d’Orléans, qui fut le père de Robert, duc de Chartres, dont le fils Jean, duc de Guise, est le père du comte de Paris. Actuellement, on compte 686 descendants vivants de Louis-Philippe 1er.
Par le refus du drapeau tricolore en 1873, le comte de Chambord héritier légitime, sans descendance, avait rendu impossible la restauration monarchique ; à sa mort en 1883, l’unité des Royalistes se fait derrière les Orléans.
Henri d’Orléans comte de Paris est né le 5 juillet 1908 au Nouvion-en-Thiérache (Aisne). Il passa son enfance et toute sa jeunesse au Maroc.
En 1926, toute sa famille est partie pour la Belgique, s’installer au manoir d’Anjou ; ce deuxième exil familial fut provoqué par la mort de son oncle le duc d’Orléans, chef de la Maison de France, sans descendance. De ce fait, Jean d’Orléans, duc de Guise, son cousin germain, et son fils Henri, furent instantanément exilés par la loi de 1886 qui stipulait que :
« Le territoire de la République est, et demeure interdit aux chefs des familles ayant régné en France et à leurs héritiers directs, dans l’ordre de primogéniture ». La France était désormais interdite à Henri d’Orléans, prince de France.
Le 8 avril 1931, c’est en Sicile, à Palerme, qu’Henri d’Orléans, comte de Paris, épousa Isabelle d’Orléans et Bragance. Il vécut les six premières années de son mariage en Belgique.
A partir de 1932, il commença à s’occuper des affaires politiques de la Maison de France. Installé à Bruxelles, le prince crée en janvier 1934, une revue trimestrielle intitulée : « Question du jour », puis un bulletin mensuel : « Courrier royal ». Le 1er mai 1937, le « Courrier royal » devenait l’organe de la Maison de France, et le prince entreprit de faire connaître ses positions au grand public.
Entre-temps, la famille de France s’installera successivement au Brésil, au Maroc, en Espagne et au Portugal.
En novembre 1937, son père le duc de Guise condamne l’Action Française dans un manifeste aux Français, en précisant que « Seule la Maison de France dont il est le chef, est dépositaire de la doctrine royale ». Soutenu par son fils Henri, il accuse le mouvement d’enfermer l’idéal monarchique dans un système clos et partisan.
En 1939, sous la présidence d’Albert Lebrun, le comte de Paris accomplit diverses missions auprès des souverains étrangers, notamment une à Sofia, dont le but était de convaincre le roi Boris de Bulgarie, de rejoindre le camp des Alliés.
En août 1940, à la mort de son père Jean, duc de Guise, S.A.R. Henri d’Orléans, comte de Paris, devenait, officiellement, chef de la Maison de France, héritier de tous les titres, prérogatives et devoirs royaux.
Entre-temps et faute d’avoir pu s’engager dans l’armée française à cause de la loi d’exil, le comte s’enrôlait dans la Légion étrangère à titre de citoyen suisse, sous le nom d’emprunt d’Orliac, et ceci avec l’accord de Paul Reynaud.
Soixante-quatre ans d’exil
Le 24 juin 1950, le président Vincent Auriol signait le décret abrogeant la loi d’exil. Après soixante-quatre années d’exil, la famille de France pouvait enfin rentrer dans son pays.
Un homme du Nord contribua fortement à son retour en France, il s’appelait Maurice Schumann, le comte de Paris l’avait rencontré à plusieurs reprises à Londres.
Pour le comte et la comtesse de Paris commença une nouvelle époque de leur vie, installés à Louveciennes, entourés de leurs onze enfants : Isabelle, Henri, Hélène, François, Anne, Diane, Michel, Jacques, Claude, Chantal et Thibaut.
Vingt ans à Louveciennes où joies, peines, fiançailles, mariages, fêtes, voyages étonnants, grandes chasses en Afrique tissent une trame où le quotidien qui est la part de chacun se mêle à ce que personne n’aura vécu : la vie trépidante de la Maison de France.
En 1954, le comte soutenait la politique de décolonisation de Pierre Mendès-France ; de tous ceux qui se succédèrent, et ils furent nombreux à cette époque, c’était, pour lui, celui qui avait le plus la stature de l’homme d’Etat.
Suite à la chute de Diên Biên Phu, c’est le 13 juillet 1954 que le représentant de la France Libre, le général de Gaulle, et le chef de la Maison de France se rencontraient pour parler du système politique français.
A cette époque, aux yeux du général, la monarchie conservait des chances, hautement appréciables, à la condition qu’elle sut, elle-même, épouser son époque. Par cet entretien historique, le général et le prince venaient de commencer un long dialogue sur la France qui durera quinze années, alterné de multiples entretiens et d’échanges de correspondance sur la situation intérieure et extérieure de la France (La question algérienne, la constitution de 1958, l’élection au suffrage universel de 1962 auquel le comte se rallia dès 1948, les évènements de mai 1968).
Des missions confiées par le général de Gaulle
En 1958, le prince, soucieux comme de Gaulle du destin national, lui fournissait, en reconnaissant sa fameuse légitimité, un appui moral incontestable. Dès lors, de Gaulle lui proposa plusieurs missions vers les pays de l’Afrique noire et surtout l’Algérie.
Malheureusement cette Algérie, pour laquelle le comte désira tant intervenir afin de hâter la fin des combats et le dénouement politique, venait frapper cruellement sa famille ; le 11 octobre 1960, son fils cadet François, sous-lieutenant au 7e bataillon de chasseurs alpins, meurt au combat en voulant secourir un harki : il avait vingt-cinq ans.
Par la suite de Gaulle fit souvent appel au comte de Paris pour connaître la position de très lointaines monarchies sur sa politique et, en particulier, sur celle de l’Algérie. Il fut reçu, notamment, par Haïlé Sélassié en Ethiopie, par le Shah d’Iran, et en Afghanistan.
Les positions prises sans ambiguïté par le comte, quant à l’indépendance de l’Algérie, furent la cause d’un plasticage chez lui à Louveciennes. Après le succès du vote de l’élection du président de la République au suffrage universel, de Gaulle eut un long entretien à l’Elysée, le 18 décembre 1962, avec le comte de Paris.
Ce jour-là, il lui confia qu’il n’envisageait pas de se représenter en 1965 et qu’il lui donnait trois ans pour se préparer ; jamais de Gaulle ne s’était exprimé sur le problème de la succession et l’éventualité de sa candidature lors de l’élection présidentielle de 1965, avec une telle netteté.
Mais, au fil des mois, le projet s’était effiloché, et à quelques semaines de l’année décisive, alors qu’il restait moins d’un an avant l’ouverture de la campagne électorale, le général lui confia, sous le sceau du secret, qu’il se représenterait.
Dès lors, en cette fin d’année 1964, au terme de dix années d’entretiens, de conversations, de projets et de correspondance, il s’ensuivait, entre les deux hommes, une profonde transformation de leurs relations personnelles, vis-à-vis d’une situation qui prenait, incontestablement, une nouvelle orientation.
A partir de 1966, en désaccord avec la politique menée par les différents gouvernements, et après avoir remis à de Gaulle, en août 1966, un long rapport sur l’avenir de la France, les divergences entre le comte et le général devinrent profondes.
C’est à ce moment-là que le prétendant au trône préféra cesser toute activité politique, tout en continuant à manifester publiquement sa confiance au général de Gaulle, lors des évènements de mai 1968.
« Intact, clairvoyant et permanent »
Fin 1969, le comte lui fit part de sa conviction qu’en dépit de tout, la Nation avait gardé son empreinte ; le général lu répondit en ces termes le 27 décembre :
« Pour l’Histoire, mieux encore sans doute que pour les contemporains, 1969 aura, entre beaucoup de choses, montré, d’abord, Monseigneur, avec quelle hauteur de vues et quelle sûreté de jugement Vous avez considéré les hommes et les évènements.
Je voudrais vous répéter de quel poids incomparable ont été, pour moi, au long de ma mission nationale, Votre approbation et Votre soutien. En ce qui me concerne, le terme est venu. Vous, Monseigneur, demeurez intact, clairvoyant et permanent, comme l’est, et doit le rester, pour la France, ce que vous personnifiez de suprême dans son destin ».
A partir de là, le comte ne devait plus le revoir, ni recevoir aucune lettre de lui. Dans ses mémoires d’exil, et de combats, Henri VI, comte de Paris, concluait de la façon suivante :
« Durant près de quinze ans, nous avions poursuivi notre dialogue. Lorsque nous étions, lui et moi, dans l’exil français, hors des affaires du pays qui occupaient toutes nos pensées, nous semblions marcher, d’un même pas, au nom d’un même dessein
Ensuit,e le général étant au pouvoir, c’est-à-dire en prise directe avec les évènements et les urgences, et moi ne relâchant ni mon action politique, ni mes voyages d’information, ni la parution de mon bulletin, nous avions maintenu à intervalles réguliers, l’analyse en commun que nous faisions de l’avenir national.
A présent, le silence était tombé. De Gaulle le rompit, en m’envoyant, dédicacés, successivement, ses « Discours et Messages » puis le premier tome de ses « Mémoires d’espoir ». Le 9 novembre, il mourut. Notre long dialogue sur la France avait pris fin. Celui que j’ai, de naissance et de conviction, engagé avec les Français ne s’éteindra qu’avec moi ».
Des sondages ont fait état que 17 % des Français se prononcent pour le rétablissement de la Monarchie ! Cela représente quelques millions de personnes qui voient dans le Royalisme sans doute, plus un attachement qu’un engagement.
Privée de tout réel pouvoir, la famille de France retient toujours un fort courant affectif. Pour preuve, l’énorme impact médiatique du dimanche 27 septembre 1987 au château royal d’Amboise, où devant quatre mille personnes, trois cents journalistes et quinze chaînes de télévision, eut lieu la présentation dynastique, par laquelle le comte de Paris a fait duc de Vendôme son petit-fils Jean ; ce titre ayant la particularité d’avoir été porté par deux rois de France, avant leur succession au trône, Henri IV et Louis XVIII.
(Archives D.D., VdN, 9 Juillet 1989).
« Depuis ma première rencontre en janvier 1989 jusqu’en février 1999, j’ai entretenu une correspondance régulière avec le comte de Paris ». (D.D).
S.A.R. Henri d’Orléans est décédé le 19 juin 1999 à Cherisy, (Eure-et-Loir).
Hommage au Comte de Paris
« Après la disparition du chef de la Maison de France, je tiens à exprimer ma profonde tristesse, car des liens d’une grande amitié nous unissaient personnellement.
En effet, il y a dix ans, le hasard a fait que nous nous trouvions voisin, sur un lit d’hôpital, pour y subir, le même jour et à la même heure, une importante opération chirurgicale. En ces pénibles instants, je n’oublierai jamais sa présence bienveillante qui fut d’un précieux et grand réconfort.
Cinq mois plus tard, il me fit le grand honneur d’être reçu chez lui à Chantilly et depuis lors, j’entretenais des relations amicales avec l’héritier des droits au trône de France.
Aux côtés du descendant de Louis Philippe 1er dernier roi des français, on ne pouvait qu’être impressionné par l’importance historique qu’il représentait ; en même temps, le Prince Henri d’Orléans dégageait une grande simplicité, toujours à l’écoute de ceux qu’il approchait.
C’était assurément le personnage marquant de la vie monarchique française de ce siècle, en cela, il forçait le respect et l’admiration par sa loyauté envers la royauté et son adaptation aux institutions républicaines ». (…).
(Archives D.D., VdN courrier du lecteur Juin 1999).
"La mission essentielle du pouvoir est de rendre les hommes heureux"
Comte de Paris Henri d'Orléans.
L I E N S : http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&from=fulltext&num_notice=4&full=relater&total_notices=5 (Vidéo TV "L'heure de Vérité" 1994).
http://www.roi-france.com/personnages_de_l'histoire_de_France/65/Henri_d_Orleans_comte_de_Paris
http://la-couronne.over-blog.com/article-27158333.html (La Nécropole de la Famille d'Orléans).
http://pagesperso-orange.fr/stephane.thomas/capetien/orleans_france.htm (Branche d'Orléans).
http://www.maisonroyaledefrance.fr/ (Aujourd'hui).
Née le 13 août 1911 à Eu (Normandie) Isabelle d’Orléans-Bragance comtesse de Paris s’est éteinte à Paris (XVIe) le 5 juillet 2003.
L I E N S : http://fr.wikipedia.org/wiki/Isabelle_d'Orl%C3%A9ans-Bragance