Pomponnettes et chrysanthèmes viennent doucement colorer les allées du cimetière d’Halluin. Entre les concessions d'un gris plus foncé que celui du ciel de Toussaint, l'archiviste et les agents d'entretien du cimetière nous font partager les petites et grandes histoires du cimetière.
Du côté de l'entrée des Frères-Bonduel, le fleuriste a pris ses quartiers libres sur le parking : « Pomponettes à 5 E ». Dans les allées quelques familles anticipent en venant fleurir leur défunt avant le 1er novembre. De quoi colorer un peu l'ambiance laiteuse et grisâtre du mois d'octobre qui s'achève.
Dans le cimetière plus que centenaire, il est impossible d'estimer le nombre d'âmes qui reposent ici. Par contre, raconte Philippe Marcaille, archiviste de la ville, le cimetière a déménagé en 1849. « Avant, il entourait l'église comme tous les cimetières. Et vous remarquez que de ce côté, il y a les caveaux de riches patrons (dans l'angle de la route de Neuville et rue des Frères-Bonduel) et de l'autre les gens plus modestes ». L'historien nous fait partager des anecdotes quelque peu farfelues.
Champagne avec les marbriers pour sa dernière demeure
Celle d'Henri Vanwynsberghe, disparu en 1984. « C'était un riche patron flamand. Quand sa femme est décédée il l'a fait embaumer. Pour leur dernière maison, il a fait construire une chapelle en granit. Ça coûtait dans les 300 000 francs (45 000 E) ».
Comme on est jamais mieux servi que par soi-même, l'homme a lui-même dressé les plans. « À chaque fois que les ouvriers avaient terminé une plaque, il apportait le champagne et le buvait avec les ouvriers ». L'intérieur de la chapelle a été peint avec de la peinture au plomb pour éviter les dommages du temps... Une façon de voir la postérité.
Dans les allées du cimetière, on aime aussi raconter les histoires des défunts, celles des vivants et celles qu'on soupçonne être des mythes populaires mais qui ont toujours autant de succès. « Les histoires de fossoyeurs », comme les appelle Philippe Marcaille. Des histoires de cercueils malencontreusement partis en vadrouille, auxquelles il faut plus ou moins accorder de crédit...
Véridique cette anecdote-là, la trouvaille d'un serpent (une couleuvre) dans les allées du cimetière. « On a appelé les pompier s, raconte le responsable du cimetière Marc Grave, le service de propreté l'a attrapé avec une pince pour ramasser les déchets. Il avait dû s'échapper d'un vivarium ». Chez les Aztèques, le serpent est symbole d'immortalité et de renaissance...
Autre souvenir, des agents d'entretien du cimetière : « On a une fois déterré une carotte, aussi grosse qu'une bouteille d'eau d'un litre et demi (une carotte marseillaise ?). Ça doit être des graines descendues avec les terres du mont d'Halluin ».
Il y a eu aussi les appels passés en mairie parce que quelqu'un s'était retrouvé coincé dans le cimetière après la fermeture des grilles. On rit de l'imaginer interpeller un passant dans la rue. Un cimetière, c'est aussi plein de vie.
(Archives, N.E., 1/11/2010).
Une chapelle et un caveau peu communs…
Vers 1980, quelques années avant sa mort, Henri Wanwysnberghe, artisan halluinois fortuné, a préparé sa sépulture avec un soin particulier. Sans successeur direct, l'homme a dépensé sans compter pour abriter son corps et celui de sa femme dans une chapelle qui dénote au cimetière d'Halluin.
« C'était un bon client », se souvient en souriant l'un des fils Vervacke, pour qui cette chapelle est le plus gros ouvrage en trente-trois ans de carrière. Elle a été conçue dans l'atelier de son père, gérant de la marbrerie de la route de Neuville aujourd'hui disparue, pour Marie-Louise et Henri Wanwysnberghe, décédés en 1983 et 1984, largement octogénaires.
« Cette chapelle a coûté près de 30 millions d'anciens francs (45 700 euros aujourd'hui), évalue M. Vervacke. Nous avons travaillé plus d'un mois et il a fallu deux grues pour poser le fronton. » La pierre qui compose le monument est du granit labrador, l'un des produits les plus chers : « À chaque fois que nous finissions une pièce, mon père devait aller le chercher chez lui pour lui montrer. Il avait dessiné tous les plans et venait régulièrement à l'atelier avec des vieilles bouteilles de champagne imbuvables. »
Dans cette chapelle, le décor est assez discret : un vitrail, une statue de Lourdes, des fausses fleurs et un autel derrière une porte abîmée. Le propriétaire défunt voulait l'électricité dans cette petite maison de l'au-delà mais la demande a été refusée par la municipalité de l'époque.
Il semble qu'Henri Wanwysnberghe n'aurait pas voulu léguer sa fortune à ses neveux et nièces, ni donner d'argent à des associations. Son existence après la mort le souciait davantage : « Il gardait son cercueil et celui de sa femme dans son garage, il était très pointilleux sur sa tombe », ajoute M. Vervacke.
À côté de cette chapelle, un caveau familial a également été financé par Henri. On y trouve cette épitaphe particulière : « Mes chers beaux-parents, c'est votre majesté HV (ses initiales) qui a fait revenir les corps de Belgique auprès de nous à perpétuité. » D'ailleurs, aussi chère soit cette sépulture, une légende court à Halluin comme quoi l'homme serait enterré avec l'argent restant !
Entre une farce pour rire de cette dépense étrange et une vérité, plus de 20 centimètres de béton ont été solidement coulés.
(Archives, VdN, 1/11/2010).