Trois thèmes se partageaient la 4ème réunion (en 2006) de l’estaminet de la mémoire : jardins, parcs et vie agricole. Une riche moisson de souvenirs enregistrée par Cinélys d’Halluin.
Le premier thème traitait des jardins, d’abord intimement liés à la vie agricole d’Halluin. Vers 1850, de nombreux brassiers cultivent (à la main) un petit lopin de terre à la lisière des grosses exploitations agricoles.
Ils louent leurs bras (d’où leur nom) lors des gros travaux agricoles : fenaison, moisson, plantation ou arrachage des betteraves et pommes de terre… car l’agriculture n’est pas encore mécanisée comme actuellement. A la mauvaise saison, ils tissent, aidés de leur femme et de leurs enfants. Cette tradition du jardin perdure avec l’industrialisation. Le brassier devenu ouvrier veut garder le contact avec la terre.
Augustin Declercq, fils de Joseph, fondateur des jardins ouvriers d’Halluin, rappelle que dans un courrier à l’abbé Lemire, le doyen d’Halluin se félicitait d’avoir obtenu des paysans assez de terrain pour une vingtaine de jardins familiaux. C’était en 1907. Ces jardins ont fonctionné de 1908 à 1914, la guerre leur portant un coup d’arrêt.
Les jardins, ouvriers ou familiaux, ont vraiment redémarré en 1934. Avec un essor remarquable. René Vandevelde se souvient : « en 1940, j’ai accompagné mon père qui voulait obtenir un jardin. On lui a octroyé un bout de terrain entre les cimetières anglais et allemand. Il était même question de planter au jardin public ».
Les sites se multiplient : tuilerie, hospice, chemin des meurins… « A la tuilerie, le fond était vraiment incultivable, une vraie piscine. Il a fait le bonheur de jardiniers asiatiques et Roubaisiens. Je ne sais pas ce qu’ils cultivaient, mais cela ressemblait à une vraie rizière ».
D’autres anecdotes cocasses sortent des mémoires. Des fossés antichars, creusés chemin des meurins, avaient fait remonter des limons et glaises stériles. Il fallait donc davantage amender la terre dans ces jardins.
« Chaque année, à la même époque, c’était la procession des charrette à purin. On les couvrait de sacs mais malgré cette précaution, elles éclaboussaient beaucoup ». « Mon père partait jardiner… avec une échelle, pour franchir un mur qui l’obligeait à un grand détour, lassé de réclamer une porte promise mais qui n’arrivait pas ».
Le deuxième thème de l’estaminet de la mémoire englobait les parcs. L’occasion de se pencher sur l’histoire des petits et grands jardins publics d’Halluin
Cet espace vert, qui borde le cimetière, fut créé à l’initiative de Gustave Desmettre alors maire de la commune. Jusqu’alors, le médecin envoyait ses patients de ce quartier très dense prendre un bol d’air… au cimetière. Depuis, le « petit jardin » a malheureusement dû laisser la place à un parking, bien fleuri, il est vrai. .
Le jardin public, rebaptisé depuis Jardin de la Paix à l’initiative du conseil municipal des enfants et des jeunes, date de 1933-1934. C’était un projet grandiose, fruit du travail d’un architecte-paysagiste. Le plan prévoyait deux espaces distincts : un jardin à l’anglaise côté route de Neuville, un jardin à la française côté rue de Lille.
La rue de Lille, entrée principale de la commune, devait faire impression. Le projet intégrait donc la construction d’un restaurant et d’une salle des fêtes. Un projet aussi coûteux ne pouvait être réalisé qu’en plusieurs étapes. La guerre bouleversa le programme.
Ensuite la guerre finie, par souci d’économie, on recycla le manège construit par l’occupant pour ses officiers, pour en faire une salle des fêtes.
Le jardin public était très fréquenté. Il était équipé d’un kiosque à musique autour duquel on se rassemblait lors des fêtes. La fermeture des grilles pour la nuit était annoncée par un employé municipal. Marcel Vandeputte, surnommé « le gardien des mœurs » devait chasser les amoureux des bosquets où ils se cachaient. On lui avait donc fourni un sifflet.
Depuis d’autres espaces verts publics ont vu le jour, au nombre desquels le Kluit Put (espace naturel du Colbras), l’étang de la tuilerie ou le port de plaisance.
La superficie de ces espaces est passé en quelques années de 10 à 50 ha. Une vingtaine de jardiniers en assure l’entretien. Gérard Stehlé, responsable des espaces verts, avait accepté de venir détailler leurs tâches et l’évolution de leur travail.
« Au printemps, c’est surtout les plantations. En été, l’arrosage et la taille des haies. En automne, le ramassage des feuilles et en hiver la préparation des nouveaux aménagements, les plantations d’arbres.
Ces dernières années, on a beaucoup augmenté le nombre de jardinières et des suspensions. Cela n’aurait pas été possible sans l’arrosage automatique. On s’oriente aussi vers une gestion plus naturelle, comme le fauchage deux fois par an au Kuit Put ».
Le troisième volet de l’estaminet de la mémoire traitait de l’évolution du monde agricole ces cinquante dernières années. On avait fait appel à André Lescroart.
« L’évolution à Halluin a suivi l’évolution commune à toute la France, a souligné André Lescroart. De 4 millions d’agriculteurs en 1950, on est passé à 500 000 actuellement. La surface des terres agricoles continue de se réduite :
10 000 ha disparaissent chaque année au profit de l’urbanisation et des loisirs. A Halluin, sur 52 fermes, il en reste 11 en exploitation qui emploient 15 personnes, sans compter les emplois indirects ». On est loin de l’époque des brassiers qui louaient leurs bras en nombre dans les grosses fermes.
A noter que ce sont ces grosses exploitations qui n’ont pas pu s’adapter à la mutation agricole et qui ont été les premières à disparaître du paysage agricole halluinois. Les exploitations actuelles occupent des superficies variant de 5 ha à 100 ha. La moyenne d’âge des exploitants agricoles est de 45 ans.
La relève est loin d’être assurée sur des terres qui sont pour la plupart en fermage. Les jachères, imposées par la PAC, occupent 70 ha sur les 650 ha de terres agricoles que compte encore la commune « Ferrain veut dire terre à blé » a rappelé André Lescroart.
On cultivait donc beaucoup de blé à Halluin. Mais il y avait aussi les betteraves, les pommes de terre et le lin. Le lin qui laisse un souvenir ébloui aux anciens. "Quand le lin est en fleur, cela ne dure que 48 heures, mais en beauté ça ne peut se comparer qu’à un champ de lavande ".
L’élevage bovin tenait une grande place jusqu’à une date récente : 600 bovins encore en 2000, 150 seulement aujourd’hui. « L’agriculture n’est pas encore sortie de la crise, concluait l’ancien agriculteur. « On nous dit que l’avenir pour nous c’est « la chimie verte », c’est-à-dire essentiellement la production de bio-carburants. Mais pour un paysan c’est dur de ne plus travailler à nourrir ses semblables ».
Les autres participants ont pour leur part exprimé leur nostalgie de l’époque où les citadins gardaient le contact avec le monde agricole. « On allait acheter les produits frais à la ferme. On participait aux moissons, à l’arrachage des pommes de terre. On glanait. Une grange servait de terrain de jeux… ».
Depuis il ya eu rupture entre la population agricole et la population non agricole. Un fossé qui va sans doute s’atténuer dans la vallée de la Lys, si on en croit la montée en puissance des ventes à la ferme et le succès grandissant du marché des saveurs.
(Archives, D.D., Presse 2006).
Liens : Il y a cent ans, les Prémices du "Coin de Terre Halluinois".
Les Jardins Familiaux Halluinois... Nouvelle Implantation et Inauguration.
Un Verger Pédagogique Créé au Groupe Scolaire Halluinois Frank - Moulin.
"Le Jardin Public" et "Le Nid de Mousse" d'Halluin... Historique.
Un Jardin Japonais au Centre Ville d'Halluin...
La Mémoire Halluinoise (4) Souvenirs de bancs d'école...
La Mémoire Halluinoise (3) Mémoire de Frontaliers.
La Mémoire Halluinoise (2) Cafés, bistrots, brasseries et estaminets d'antan.
La Mémoire Halluinoise (1) L'Estaminet de la Mémoire Halluinoise... Historique.
Les Seniors Halluinois Filment l'Histoire de la Cité.