L'historien local Roland Verkindère nous emmène flâner vers l'ancienne gare d'Halluin.Le tracé, le trafic, la gare, l'impact sur l'urbanisme communal... Avec des anecdotes et des regrets aussi.
L'aventure n'a duré qu'un siècle ! Et encore. Mais avec quels avatars. Le tracé d'abord. La question clef. La liaison avec le Nord est évidente, direction Menin, la Flandre occidentale et via le réseau de nos voisins la côte belge de la Panne à Coxyde voire à Ostende. D'où d'ailleurs à l'arrêt-frontière d'Halluin une animation de fin de semaine liée à ces « trains du plaisir ».
Pour le sud c'est plus compliqué. Les industriels lillois à la recherche de main d'oeuvre souhaitent une liaison directe Menin-Halluin-Lille, un peu comme Comines l'obtiendra. D'où des facilités pour le transport et la production textile de la banlieue lilloise. Les industriels tourquennois et roubaisiens n'envisagent pas avec ferveur ce tracé trop favorable aux Lillois. Ils obtiennent, après plus de trois ans de pressions directes, une déviation par la gare des Francs et la gare centrale de Tourcoing.
Les délibérations du conseil municipal de l'époque évoquent ces démêlés avec constance et parfois courroux des années 1865 à 1871 pour finalement constater la soumission aux voeux de la ville du « Broutteux ». Il reste que ce tracé contourne la ville par l'ouest et isole le Colbras au-delà de la voie ferrée. Des artères de la ville sont influencées par la position choisie pour la gare.
Un nouveau centre
La rue de la gare, devenue rue Marthe-Nollet, une résistante sacrifiée en septembre 1944, est perpendiculaire à la rue de Lille et prolonge la courte rue de l'Eglise Saint-Hilaire déplacée au 17e siècle.
Un semblant de centre-ville est ainsi créé, bientôt occupé par des hôtels bourgeois et des maisons plus cossues que les petites maisonnées ouvrières, les commerces aussi, un ensemble industriel (Defretin), la Sacré-Coeur, une place verte...
La gare elle-même où se concentrent cafés de passage est le point de départ d'un tramway à vapeur reliant (en 1h30) Halluin à Armentières. Cette ligne Menin-Halluin-Tourcoing, reçoit des voyageurs (liaison de travail avec Tourcoing jusqu'en 1960) et des marchandises (bois, charbons, textiles...)
La douane y est installée comme sur la route. Longtemps une balance d'octroi a été visible. Des entreprises se dotent d'embranchements sur cet axe. Aujourd'hui on en parle au passé, mais les stigmates ont longtemps été présents et le sont en partie encore : installations ferroviaires, voies difficiles à acquérir. Le Colbras et une partie de la rue de la Lys en souffrent.
La gare. Pfuit ! Disparue. Des clichés donnent une idée de son allure assez classique. Elle entraînait certes des difficultés pour la contourner. Coude prononcé pour les véhicules, passerelle pour les piétons. Elle fut sacrifiée dans les années 80/90 au grand dam de beaucoup pour ouvrir la rue de la Gare sur la route de Linselles.
Des anecdotes
Des installations vétustes mais encombrantes empêchent au nord des liaisons plus faciles avec les rues Léon-Blum et Marc-Sangnier et un débouché plus direct sur la rue Emile-Zola.
La place nouvellement créée, même si elle a fière allure, est difficile à animer. Hésitant entre la résidence et l'entrepôt, elle reste une zone de transit à la recherche d'une nouvelle fonction. De plus pas un banc ! (Je sais ça devient un tic). Des souvenirs, des perspectives.
Solliciter les anecdotes à propos de la gare, c'est ouvrir la boîte aux souvenirs. Choisissons-en deux : l'une concerne la première réunion clandestine du comité local de Libération tenue fin 43 début 44, dans un café situé au coin de la rue de la Gare et de la rue Emile-Zola face à chez Toulemonde. À l'endroit même ou en 1939-mai 1940 se réunissaient des officiers anglais certains se réconfortant à l'occasion dans des chambres accueillantes au 1 er étage.
L'autre évoque l'action menée par le jeune résistant Alfred Simono immobilisant dans la nuit toute une série de wagons utilisés par les ennemis en sectionnant des conduites de liquides de freins. Qu'en sera-t-il demain ? Deux projets sont connus. D'une part faire de la voie ferrée préservée un couloir vert de déplacement en attendant mieux peut-être ? D'autre part débloquer le passage rue Marc Sangnier, rue Emile Zola pour faciliter la liaison avec le centre d'Halluin. Mais ceci est une autre histoire !
(Archives, N.E., Août 2010).