Le 18 mars 1962 étaient signés les accords d’Evian, aboutissant à la fin des hostilités en Algérie par un cessez-le-feu décrété dès le lendemain le 19 mars à midi
Cette date marqua la fin d’une guerre qui fit autour de 25.000 morts du côté de l’armée française, et près de 250.000 blessés ; sans compter les pertes humaines du côté algérien qui se chiffrent entre 300.000 et 400.000. La fin du conflit qui durait depuis sept ans et demi.
Dimanche 2 mars 1997, les membres de la Fédération Nationale des Anciens Combattants d’Algérie (la FNACA) et des représentants du Conseil municipal d’Halluin inauguraient un square dédié aux soldats morts pour la France en Afrique du Nord, square du « 19 mars 1962 ».
Parti de la place du Général de Gaulle, l’important cortège, parmi lequel bon nombre de porte-drapeaux de la FNACA se dirigea vers l’angle de la rue Gustave Desmettre et de la rue Gabriel Péri.
C’est à cet endroit qu’a été récemment apposée une plaque commémorative sur laquelle on peut lire « Square du 19 mars 1962 ».
Mais au-delà de cette simple plaque, tout un symbole. Celui du retour à la paix ; une date qui ne fait pourtant pas l’unanimité chez les anciens combattants.
En tête de la délégation de la FNACA, Pierre Duprat, président de la section halluinoise. Accompagné de Régis Vanhalst, premier adjoint, les deux hommes découvrirent, dans un geste solennel, la plaque commémorative, cachée par le drapeau tricolore.
Un moment de recueillement suivit la sonnerie aux morts de la Marseillaise prirent toute leur signification, et plus encore la minute de silence.
Puis le cortège se dirigea vers le monument aux Morts, où la délégation des Anciens Combattants déposa une gerbe en mémoire des soldats français tombés lors des diverses guerres.
Enfin, un dernier hommage fut rendu au square des Anciens Combattants d’Afrique du Nord dédié aux Halluinois morts là-bas : Roger D’helft, Gérard Desmet, Christian Lefebvre tué le 31 août 1958 alors qu’il n’était en Algérie que depuis 8 jours et Régis Verschae, Maréchal des Logis au 30e Régiment des Dragons, tombé le 22 janvier 1961, alors qu’il aurait dû être libéré dix jours plus tard.
Une étrange pacification
« Dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, une explosion de violence s’étend sur tout le territoire algérien ». C’est par ce rappel historique que Pierre Duprat entama un long discours dans lequel il évoqua les terribles souffrances endurées par des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants. Il dénonça la nostalgie de certains envers un passé révolu qu’ils qualifient « d’opérations de police ». Pierre Duprat s’insurgea contre cette vision des évènements d’Algérie :
« Singulières opérations de maintien de l’ordre, qui ont nécessité en permanence, depuis 1956, la présence de 420.000 hommes… Etrange pacification, alors que de 1952 à 1962 l’on a engagé trois millions d’hommes ». Il n’hésita pas à dénoncer « ces différents gouvernements successifs qui se refusent à reconnaître cette date historique du 19 mars 1962. Date qui ne fait même pas l’unanimité parmi le monde combattant. Pourtant ce sont plus de 90 % de Françaises et de Français qui approuvèrent le cessez-le-feu lors du référendum du 8 avril 1962.
L’inauguration de ce square était pour la FNACA « un devoir » : celui de « sensibiliser la jeunesse au problème de l’intolérance, du racisme et de la xénophobie qui n’engendrent que des catastrophes ». Il s’agissait également de se remémorer ce douloureux souvenir, et de ne pas le laisser tomber dans les oubliettes de l’histoire.
Pierre Duprat cita Saint-Exupéry : Un peuple qui oublie son histoire est condamné à la subir, perd de son identité ». « Un devoir de mémoire sacré ». dira Pierre Cadel, président départemental de la FNACA, ajoutant que le 18 mars 1962 était « Une victoire de la raison, de la paix sur la guerre ».
Quant à Régis Vanhalst premier adjoint de la ville d’Halluin, représentant le maire Alexandre Faidherbe, qui a lui-même vécu cette guerre au sein du neuvième RCP (régiment de parachutistes), il évoqua les « soi-disant opération de maintien de l’ordre, alors que les soldats français se heurtaient à de véritables régiments organisés », et désapprouva l’intervention française en Algérie «Ca n’a jamais été ma guerre, j’ai bien connu Régis Verschae… Je ne crois pas que c’était se guerre non plus ». Mais à cette époque, on parlait de faire son « devoir ».
Le 19 mars 1962, ou plus tard ?
C’est en 1963, au 4e Congrès national de la FNACA, qu’un grand blessé de la guerre d’Algérie proposa de commémorer chaque année le souvenir des camarades tombés en Afrique du Nord ainsi que celui des victimes civiles.
La date retenue fut celle du 19 mars 1962, devenue journée nationale du souvenir et du recueillement que les membres de la FNACA commémorent depuis 34 ans.
« 2513 municipalités ont déjà inauguré une rue, un square ou une place en souvenir de ce jour, Halluin est devenue la 2.514e » fut-il souligné. Pourtant cette date est loin de faire l’unanimité parmi le monde combattant.
En effet l’UNC-AFN considère que cette cessation des hostilités n’a pas été appliquée, et que trop de soldats sont tombés dans les rangs français après cette date. La carte des Anciens Combattants stipule que les hostilités ont réellement pris fin le 2 juillet 1962, et accorde même le titre de reconnaissance jusqu’au 1er Juillet 1964.
Depuis des décennies, aucun gouvernement, aucun chef de l’Etat n’a accepté de commémorer la date du 19 mars 1962, et la polémique est encore vive !
M. Régis Vanhalst en sa qualité d’ancien d’Algérie laissa parler son cœur dans un discours qu’il conclut en ces termes « Si j’ai été un peu long, veuillez m’excuser, mais j’ai laissé faire, à mon esprit de combattant, une petite envolée ». La sincérité de ses propos l’excusa amplement et il prévint pour finir : « Ne commettons pas l’erreur d’inculquer à nos jeunes une fausse histoire de la guerre d’Algérie, qui se résumerait en une histoire de date sur la fin des hostilités… mais sachons leur dire l’envie de ne pas accepter l’inacceptable ! ».
Du 19 mars 1962 au 1er juillet 1962, ces deux jours ont pour chacun une signification. Au-delà de cette polémique, tous les anciens combattants d’Algérie se souviennent, et la commémoration des soldats tombés en Algérie, quelle que soit sa date, a toujours la même signification : rendre hommage et transmettre aux jeunes générations le passé historique et les renseignements que l’on peut tirer.
Fin mars 1997, lors de la journée commémorative pour les anciens combattants d’Algérie, M. Didier Duprat rappela l’évènement que fut l’inauguration récente du square du 19 mars 1962 et remercia le maire Alexandre Faidherbe pour les efforts déployés qui permirent cette implantation :
« Nous savons que vous vous êtes beaucoup impliqué, malgré quelques peaux de bananes déposées ça et là par ceux à qui le 19 mars donne des boutons. Tant que nos forces le permettront, nous irons le 19 mars de chaque année, et pas un autre jour, rendre hommage à 30.000 camarades tués pour la plupart à l’âge de 20 ans, ainsi qu’à toutes les victimes civiles d’une guerre qui n’osait et n’ose toujours pas dire son nom ».
Alexandre Faidherbe, maire rappela que la décision d’implantation du square relevait d’une décision du conseil municipal « dans sa majorité mais, hélas, pas à l’unanimité. Et cela alors qu’outre la tolérance qui aurait du guider l’appréciation de chacun, la date du 19 mars 1962 restera celle d’un acte politique essentiel ».
Il souligna encore que l’Algérie n’était pas une colonie comme les autres mais un territoire qui a subi 130 années de présence donc « Une terre qui n’était pas fondamentalement française, n’en déplaise à ceux qui ont la prétention d’affirmer le contraire ». Et de rappeler que, lors de la signature du cessez-le-feu, beaucoup ont senti un soulagement profond.
On procéda ensuite à la remise de la croix du combattant à Claude Crombez, Pierre Jenart, Derradji Souiki et Raymond Debaecker ; la médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre en Algérie à Georges Grignon, Jacques Mornie, Roland Crype, Jean-Claude Thomas et Roland Vandevyver.
M. Pierre Duprat remit la médaille d’argent de la FNACA à Alexandre Faidherbe et à Francis Poulain. La médaille de bronze fut remise à Pierre Duprat, président, et à André Mestdagh, vice-président, par M. Mornie. M. Quertigniez reçut la médaille d’honneur des porte-drapeau.
(Archives D.D., Presse).
Le Décès de Pierre Duprat
Fondateur du Comité Halluinois de la FNACA.
Né à Tourcoing (Nord) le 3 décembre 1932, M. Pierre Duprat, ancien combattant d’Algérie et Fondateur du Comité Halluinois de la FNACA, est décédé le 22 mars 2009 à Tourcoing, dans sa 77ème année.
Pierre Duprat était aussi membre vétéran du Parti communiste français, membre de l’Association des Amis de la résistance, de l’ARAC, du Syndicat CGT des retraités d’Halluin, du Secours populaire français. Il était Diplômé et Insigne d’honneur de la FNACA, médaillé de la CGT et des retraités de la CGT.
M. Pierre Duprat avait reçu la Médaille d’Or de la Ville d’Halluin.
Ses funérailles se sont déroulées le jeudi 26 mars 2009 au cimetière d’Halluin.
Incident lors de la cérémonie de 2010
La cérémonie commémorative du 19 mars 1962, ... devait pour Régis Holvoet, président de la FNACA, revêtir une certaine solennité. Et ceci en réponse aux pressions que subissait à l'échelon national l'association sur la date des commémorations de la fin du conflit algérien.
Que ce soit devant le Square du 19 mars 1962, rue Gustave Desmettre où devant le monument aux morts de la rue de Lille, cette commémoration avait été digne. Les élus, les anciens combattants, la FNACA, les représentants de l'ARAC, les élus du CMEJ ne pouvaient que se féliciter du bon déroulement de la manifestation. Il a fallu qu'une personne lors de la remise de sa médaille de reconnaissance de la Nation tienne des propos antimilitaristes jugés déplacés.
À peine décoré par M. Deroo maire, ce rapatrié sanitaire s'est accaparé le micro en déversant un flot confus vis-à-vis de l'armée française et ce devant les élus et surtout devant des jeunes élus du CMEJ.
Contacté par téléphone samedi matin Régis Holvoet a commenté et confirmé son embarras. Pour les deux autres récipiendaires point de critique, mais de la fierté de recevoir cette reconnaissance, qu'ils en soient félicités.
M. Henry Salinge était venu avec ses enfants et petits-enfants recevoir la médaille de reconnaissance de la Nation et M. Hasni Belbachn médaille commémorative du maintient de l'ordre, agrafe Algérie.
(Archives, VdN, 21/3/2010).