Publication relative à l'histoire de la ville d'Halluin 59250. Regard sur le passé et le présent.
Toute la vie de cet halluinois de 69 ans a été tricotée autour de l’accordéon, miroir magique de sa générosité. Le « piano à bretelles » prolonge plus que la virtuosité de ses doigts, il est à lui seul un orchestre. A cinq ans, il possédait déjà son 1er accordéon que son père adoptif lui a offert.
Ses yeux pétillent comme ceux d’un enfant dès qu’il parle de l’accordéon. S’ouvre un univers où la nostalgie se conjugue avec le rythme endiablé du bal-musette, de valses, de la variété et même de la musique dite classique. Et lorsqu’il lâche ses doigts sur les boutons nacrés de l’instrument qui ondules comme par enchantement, son regard se lève vers cette inspiration heureuse qui l’habite soudainement.
Raymond Mahieu varie les registres comme les plaisirs musicaux. Aussi intarissable que l’accordéon. De son enfance, il ne garde que la tendresse éprouvée pour son père adoptif qu’il l’accompagnait partout. « On a joué ensemble au café « Le mal plaqué », rue de la Lys, je tapais sur des marmitons et autres ustensiles avant que mon père m’achète une petite batterie ».
Voici donc le parcours passionnant de ce virtuose halluinois, qui aime rappeler ceci : « Ma vie, c’est ma famille. Et mon accordéon, c’est ma seconde femme ».
A 3 ans, un petit garçon tâte de la batterie. A l’âge de 5 ans, son père musicien lui offre son 1er accordéon et l’initie très vite au solfège. Et voilà, c’est parti pour un parcours brillant :
A 8 ans, il entre au conservatoire de Tourcoing et à 10 ans, après une âpre sélection qui le verra terminer 3ème sur des centaines de prétendants, il enregistre sur la Grand-Place de Lille sa première émission à Radio Luxembourg, en compagnie de l’accordéoniste Charlet Bazin et de l’animateur Zappy Max.
Puis, « à l’âge de 11 ans, j’ai commencé à passer des concours. La même année,avec un ami de mes parents, Pierre Dufour, j’ai joué au casino de la Bourboule, en Auvergne », se souvient Raymond Mahieu. Survient aussi la première petite interruption dans ce parcours, pour quelques mois d’arrêt, à l’âge de 12 ans.
Mais l’homme s’émerveille tout autant de ses premières vacances vécues à la montagne, à Montferrand, que de ces succès d’accordéoniste. Après avoir raflé des prix, dans toutes les catégories, au point qu’on le surnommait « le voleur de coupes », il sera même hors concours à l’âge de 15 ans, l’académie lui décernant un prix de « compositeur de musique ».
C’est également à cette époque, que l’un de ses élèves, Joseph Chifano, gagne un premier prix. Le jeune adolescent n’est cependant pas seulement une « bête de concours », Raymond Mahieu rentrait dans un orchestre de Tourcoing à 14 ans, le « Blue jazz » puis prenait la direction d’un orchestre en Belgique. Balades et concerts à travers le Nord et la Belgique.
Seconde rupture avec l’accordéon à 17 ans. Le jeune homme quitte le domicile de ses parents et n’a plus d’instrument pendant un an. « A 18 ans, je me suis marié. Et la première chose que ma femme a faite alors, ça a été de m’acheter un accordéon ».
Raymond Mahieu est encore pour beaucoup d’Halluinois « l’accordéoniste coin-coin », un surnom affectueux qui l’a toujours poursuivi. « J’en ai fait mon métier après mon retour d’Algérie » raconte-il, « je suis parti en Afrique du Nord avec mon accordéon. J’ai joué sur le pont du bateau « Le koutoubia » où ne figuraient que des appelés originaires du Nord ».
C’est son ami de toujours Maurice Schumann qui l’a mis en relation avec Jean Nohain au début des années 60. Sa première émission de télévision se déroulera effectivement en 1960, pour l’inauguration de la salle des fêtes de Loos.
Jean Nohain m’a dit à propos de Maurice Schumann :
« On a tous deux un ami qui est le même homme, toi tu lui dois ta carrière, et moi je lui dois la vie (Jean Nohain a en effet été grièvement blessé durant la guerre) ».
Raymond Mahieu n’oubliera jamais ces paroles et ces moments-là.
Les émissions de télévision se succéderont à grand train, jusqu’en 1971, il va alors jouer sur différents plateaux télé de l’ORTF comme dans le « Le train de la gaieté ».
La plus marquante des émissions était celle du 20 juin 1964, « Bonnes nouvelles » avec Jean Nohain et André Leclerc. Une rencontre entre trois Raymond : Raymond Siozade pour le midi de la France, Raymond Boisserie pour le centre et moi-même je représentais le Nord », se souvient-il, «Avec nous il y avait des vedettes comme Annie Cordy, Charles Trénet, Mikikou, une Japonaise qui était l’héroïne d’un feuilleton intitulé « Vol 272 » .
Raymond Mahieu fera éclater sa virtuosité dans d’autres émissions comme dans un « Télé dimanche » le 6 février 1966, en compagnie d’Alain Barrière et de son accordéoniste, de John William. Mais aussi le « Magazine du mineur » en 1970, ou encore les très populaires : « Sur un air d’accordéon », « Accords d’accordéon », et « Le monde de l’accordéon ». L’histoire du petit écran , en somme.
Les compositions de Raymond Mahieu sont légions. « De 1960 à 1970, j’écrivais de la musique pour Mme Maurice Comédon, « Margot Maurice », médaille d’argent de la ville de Paris, société des gens de lettres, société des poètes français, société dramatique, palmes académiques en 1959, lauréat de l’académie de la Manche… Et l’obtention en 1968 du 7ème Prix du Festival de Rio de Janeiro.
Comme tout compositeur il possède un catalogue à la SACEM. En 1992, Raymond Mahieu compte à peu près une centaine de compositions.
En 1972, il mettra un terme à ses collaborations avec la télé, ne supportant pas le play-back. En 76, son épouse ouvrira un magasin de musique au 46, puis au 87-89 rue Gustave Desmettre à Halluin.
Raymond lui, continue à pianoter avec la même verve et multiplie les galas pour des publics très variés où figurent jeunes et moins jeunes. « J’ai donné jusqu’à 14/15 galas par mois sans compter les tournages musicaux pour la télé », se souvient-il. Il regrette que la télévision soit devenue « un vrai moulin à vent qui s’occupe plus de faire du commerce qu’autre chose ».
D’autres souvenirs savoureux s’enracinent dans son esprit comme celui de la venue d’André Verschuren à Halluin en 1972, avec lequel il a joué une bonne partie de la nuit, chez lui au 8, rue Arthur Houte.
Il change d’accordéon très souvent dont les sons font rire comme pleurer. « C’est un instrument complet » reconnaît-il, « depuis 1980, je les fais tous fabriquer par René Lachaise, PDG de l’usine Maugein à Tulle, c’est mon meilleur ami ».
Raymond Mahieu se souvient aussi qu’il avait obtenu un 1er prix de conservatoire de saxophone à l’âge de 15 ans. Et maintenant, voilà qu’il aimerait bien s’acheter un piano à queue !
Rappelons que Raymond Mahieu a créé, depuis de nombreuses années, l’association S.O.S. Cancer. Chaque année il continue d’organiser ou participer à des galas, thé ou repas dansant, dont l’intégralité des bénéfices est reversée au Centre lillois de recherches sur le cancer. (Adresse de l’association, S.O.S. Cancer « Aux accords d’accordéon », ruelle Dassonville 59250 Halluin)
Notamment en 1997, Raymond Mahieu avait organisé avec le collectionneur Jeannot Perret, une exposition, à la salle des fêtes « Le Manège ». A cette occasion, trois cents pianos à bretelles, (issus d’une collection inestimable et sans doute unique de plus de 700 accordéons provenant des quatre coins du monde), avaient été réunis pour une même cause : la générosité.
Mais aussi c’est toujours avec une grande émotion qu’il arrive parfois à Raymond Mahieu de jouer lors de funérailles, comme ce triste jour où il tint la promesse faite à une halluinoise de jouer de l’accordéon sur sa tombe : « Parce que c’était une grande dame, qui faisait le bien autour d’elle ».
Dans ces instants douloureux, l’accordéon c’est aussi un peu la petite musique du cœur.
(Archives et Synthèse D.D., Presse).