Publication relative à l'histoire de la ville d'Halluin 59250. Regard sur le passé et le présent.
Par Brandodean
Un récit du Journal Paroissial Halluinois, « La Vie Chez Nous » :
La vie chez nous. Comment tout cela s’est-il passé ?
Annie Massal. En 1968, j’ai accouché d’un enfant mort-né. On a découvert alors que j’avais une malformation de l’utérus. J’ai été opérée… Mais plus moyen d’obtenir une nouvelle grossesse ! Nous avons donc décidé l’adoption.
Raymond Massal. Malheureusement, la loi, à l’époque, exigeait que l’on soit marié depuis dix ans pour pouvoir entamer une procédure d’adoption. Il nous a fallu attendre ces dix ans… Puis, sous Pompidou, le délai a été ramené à cinq ans.
Vous êtes-vous alors rapprochés de la DDASS ?
R.M. Oui ! Mais nous avons alors appris que l’adoption n’était possible qu’après un délai supplémentaire… long, trop long… On parlait de cinq ans au minimum après notre inscription ! C’était décourageant : les années passaient… Or des parents ne doivent quand même pas être trop âgés.
Qu’est-ce qui vous a donné l’idée d’adopter de petits Asiatiques ?
R.M. Nous étions en relation avec le P. Charles Gorissen, frère de la supérieure du couvent de la Sagesse d’Halluin, qui, à l’époque était missionnaire au Vietnam.
Il nous a alors orienté vers sœur Sylvie, religieuse de la Providence, qui travaillait à l’orphelinat de Saïgon. Nous avons tout de suite fait un dossier pour Caroline. En même temps, nous avons appris que, comme les familles demandaient plus souvent des petites filles, les garçons avaient plus de difficulté à trouver une famille adoptive. Donc nous avons demandé aussi un garçon. Nous avons toujours désiré plusieurs enfants.
A.M. Et c’est Philippe qui nous est arrivé le premier, le 10 mai 1975. Il avait 3 mois. Il nous est arrivé de Seattle, où il avait été évacué à la veille de la chute de Saïgon.
Caroline, nous l’avons accueillie le 4 juillet de la même année. Elle avait neuf mois. L’armée américaine l’avait trouvée devant une maison bombardée. Nous n’avons pas pu l’avoir aussi vite que nous l’espérions, parce qu’elle était gravement malade ; elle a dû être d’abord soignée à l’hôpital de San Francisco, où elle était prise en charge par l’ambassade de France.
R .M. C’est un moment très émouvant quand on va à l’aéroport et qu’on vous met un enfant dans les bras… Pas pour 8 jours mais pour toujours ! Un enfant qu’on a tellement attendu… Doublement attendu, puisque, avant son arrivée on a appris son histoire, on a vu des photos…
Quand Caroline était soignée à San Francisco, par l’agence en douane où je travaillais, je me mettais en relation par télex avec l’hôpital pour avoir des nouvelles…
A.M. Grégory, notre troisième enfant lui, était d’origine coréenne du sud. Il nous est arrivé en 1977 de l’orphelinat de Séoul. Il avait 18 mois et se trouvait en très mauvais état physique.
Il présentait tous les signes de la dénutrition et ne tolérait pas notre alimentation occidentale. Visiblement il avait été maltraité, car au début il avait des attitudes terrifiées et n’osait pas nous regarder. Il avait le réflexe de protéger sa nourriture… Son instinct de survie était incroyablement développé.
Qu’auriez-vous envie de dire à d’autres parents qui cherchent à adopter ?
R.M. Avant tout, que nous ne regrettons rien ! Ce qu’il faut, c’est beaucoup d’amour. On n’adopte pas que pour se faire plaisir : ce qu’il faut prendre en compte en premier lieu, c’est l’intérêt de cet enfant. Adopter est une décision qui doit être prise à deux, longuement réfléchie c’est une décision qui doit cheminer…
A.M. L’adoption interraciale doit être mûrement réfléchie, nous devons avoir conscience que nous déracinons un enfant de son pays d’origine, de son climat, de sa culture, de son fond sonore. En quelque sorte, il ne sera plus jamais coréen ou vietnamien : chez nous, il sera un « asiatique »…
Cependant avant de se tourner vers l’adoption interraciale, là aussi il faut une décision profonde du couple. Nous devons être convaincus que pour nous l’ethnie et la couleur de peau ne sont pas importants et qu’un enfant d’où qu’il vienne est toujours un enfant…
R.M. Et figurez-vous que notre histoire se poursuit : Caroline et son mari, après avoir eu une petite fille adorable, ont adopté un petit Ethiopien – et en adopteront très bientôt un deuxième.
Notre fille a eu à cœur de donner à des enfants en détresse ce qu’elle-même avait reçu… Elle nous l’avait promis…
Pour terminer et ceci pourra paraître paradoxal, nous nous battons toujours pour que les enfants puissent rester dans leur pays d’origine, sauf si leur survie est en jeu…
(Archives « La vie chez Nous » Décembre 2008).
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