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Publication relative à l'histoire de la ville d'Halluin 59250. Regard sur le passé et le présent.

L'association "Les Aiglons" ou l'histoire d'une véritable amitié !

 


Pendant 34 ans, « Les Aiglons » ont écrit quelques-unes des plus belles pages artistiques et sportives de l’histoire locale.

 

André Deblauw, fondateur de l’association « Les Aiglons » avec ses amis Walter Debusscher, Robert Lepoutre et Paul Houte, a publié en février 1995, aux Editions de la Lys à Lille (Nord), un livre de souvenirs racontant l’histoire de cette société.

 

A l’époque, en 1937, il n’existait que deux équipes de football et deux sociétés de gymnastique.


Décidés à agir seuls, en toute indépendance, les quatre hommes eurent quelques difficultés à faire démarrer une association sportive basée sur l’épanouissement des jeunes athlètes et non sur la recherche des performances. Même si les Aiglons remportèrent souvent de belles victoires dans des disciplines telles que la gymnastique, le tir, l’escrime… Après un bel envol, un coup d’arrêt pendant la guerre 39-45, puis le développement de numéros aux anneaux, les Aiglons connurent une certaine gloire et le succès, surtout grâce à leur section « artistique ».

 

Pendant trente-quatre ans, André Deblauw anima la société qu’il avait portée sur les fonds baptismaux, mais dût finalement interrompre ses activités suite à des problèmes de santé. Aucun de ses amis ne voulut continuer sans lui et les Aiglons arrêtèrent donc volontairement leur envol.

 

C’est cette histoire que l’on peut revivre dans les feuilles d’un livre, que je vous invite à feuilleter…

 

La société « Les Aiglons » comportait plusieurs sections : artistique, escrime, sports de combat et de défense, tir, culturisme et musculation. « Le foyer », où se réunissaient des sportifs de tous âges et conditions, fut aussi un des hauts lieux de l’histoire de l’association, et tout particulièrement pour sa section culturelle.

 

Malgré une terrible infirmité, conséquence de la poliomyélite qu’il contracta très jeune, André Deblauw son fondateur, apporta au sein du groupe un dynamisme extraordinaire. Avec la jambe gauche paralysée, il arriva à force d’énergie et de courage, à devenir un acrobate de grande classe, réalisant des numéros exceptionnels de force, celui par exemple, au cours duquel il supporta plus de 300 kilos


Les membre de la société Les Aiglons lui vouaient d’ailleurs une confiance et une affection unanimes, et ce malgré l’esprit de stricte discipline qu’il n’a cessé d’exiger de tous.

 

Les premiers entraînements de la société se déroulèrent dans des conditions qui furent tout sauf faciles : chaque samedi après-midi, les adhérents s’entraînaient sur le terrain de sports de l’Olympique rue de Lille. En cas d’intempéries, il était prévu qu’ils rejoignent des vestiaires désaffectés. Malgré leur manque de moyens, les Aiglons se distinguèrent rapidement par leur bonne humeur et leur organisation. Les adhésions se multiplièrent et la société devint vite célèbre… notamment pour ses cours d’éducation physique corrective, qui permirent de corriger maintes scolioses.

 

La société n’avait pas encore deux années d’existence quand une première réunion artistique fut organisée le 23 avril 1939 dans la salle paroissiale du Mont d’Halluin. Ce fut un important succès, auquel allait toutefois bientôt succéder la tristesse apportée par la seconde guerre mondiale. Certains Aiglons furent tués au combat (Walter Debusscher, Michel Danset), d’autres durent fuir pour échapper au travail obligatoire, ou furent envoyés en Allemagne.

 

Le jeune Walter Debusscher, Maréchal des Logis au 21ème Régiment d’Artillerie Coloniale fut tué le 9 juin 1940 ; Il allait avoir 20 ans le 18 juillet de cette même année. Membre fondateur, il était toujours resté fidèle à sa société, et à chaque permission, il venait passer de longues heures chez son ami André. Quant à Michel Danset tué dans les combats de la Libération en septembre 1944, il était le meilleur espoir de la section d’escrime catégorie jeunes, cadets, membre également des sections culturisme et musculation ; c’était aussi un étudiant brillant, et à 16 ans il était déjà développé comme un athlète adulte, mais surtout il était très dévoué et disponible pour sa société Les Aiglons.

 

Le soir du 22 juin 1941, André Deblauw était victime d’un grave accident au cours de l’essai d’un nouveau numéro très difficile et dangereux. Ce dernier fut projeté tête en avant d’une grande hauteur, et ne fut sauvé que grâce à une constitution robuste. Il n’eut aucune fracture, mais subit un traumatisme crânien. Cet accident était entièrement de sa faute, car il n’avait pris aucune précaution, et avait eu la stupidité de chahuter pendant ce nouveau numéro très dangereux.

 

Malgré toutes ces difficultés, l’association poursuivit toutefois ses activités durant ces « années noires » : Dès 1941, il y eut des séances pour les prisonniers et leurs enfants, puis pour les familles nombreuses, organisées par Gérard et André Verkindère.


Le 22 novembre 1942, un grand gala artistique fut agencé dans la salle de spectacles du cercle catholique, rue de la Gare, qui était pleine à craquer, où Les Aiglons ont obtenu un succès triomphal ; cette salle était assez haute pour produire le numéro aux anneaux, au-dessus des spectateurs.


Par la suite,Les Aiglons furent notamment sollicités par la section d’athlétisme de l’Union Halluinoise pour fournir un numéro de music-hall. Ils durent ainsi jouer trente-deux fois à Halluin, depuis 1939, sans jamais lasser le public galvanisé par de telles performances physiques. Aussi il fallait compter sur les innombrables séances produites dans toutes les villes de la région.


 
Des démonstrations d’escrime et de sports de combat étaient également organisées à cette époque.

 

A la fin de la guerre, le nombre d’adhérents rendait un déménagement indispensable. L’association loua donc une usine désaffectée qui avait précédemment été utilisée comme entrepôt de lin. Nettoyé et transformé en une superbe salle équipée de différents agrès, sans oublier un bar, une bibliothèque et des tables de ping-pong, un baby-foot pour la détente, l’endroit fut réclamé par le propriétaire un an plus tard.

 

Face à une augmentation de loyer beaucoup trop lourde pour leur budget, LesAiglons se retrouvèrent dans une situation précaire, dont les tirèrent les présidents actif et d’honneur des anciens combattants de l’UNC : Maurice Toulemonde et Henri-France Delafosse. Ces derniers leur offrirent en effet d’utiliser gracieusement la vaste et belle salle des fêtes et de réunions du « Foyer de la Paix » rue Emile Zola.

 

Cette heureuse solution présentait toutefois un sérieux inconvénient : le plafond était trop bas pour exécuter les exercices d’acrobatie et de gymnastique. Les autres sections purent néanmoins s’y entraîner pendant plusieurs années, jusqu’au moment où Les Aiglons purent louer l’ancien piqûrage des Etablissements Paul et Jean Tiberghien, à côté de l’église du Mont.


Ils utilisèrent ce bâtiment pendant sept ans, qui leur permit d’organiser de nombreuses activités – entraînement mais aussi bibliothèque, galas, bals, cinéma amateur – avant sa mise en vente et sa transformation par la suite en une école, celle de Saint-Alphonse.

 

Les adhérents de l’association durent à nouveau « travailler dur pour construire un autre local, encore dans une usine désaffectée en mauvais état » est-il rappelé dans le livre qui lui est consacré. 


Ces perpétuels déménagements n’ont cependant pas empêché Les Aiglons de former des athlètes souvent célèbres dans toute la région. La section sports de défense et de combat était particulièrement  connue, notamment pour la sévère discipline qui y régnait.

Pas question, en effet, de chercher la bagarre : le sport y était conçu comme une école de vie et non comme un moyen d’écraser les plus faibles. Une ambiance identique régnait au foyer, où les vols et les disputes étaient inconnus.

 

Quelques personnalités truculentes comme Joseph Demeyer dont le sens de l’humour était légendaire, sont venues égayer les rangs des Aiglons. La société comptait aussi un « miraculé », Joseph Cappelier qui, engagé dans l’Armée belge en 1940, avait eu le cou  traversé de part en part par une balle. Il fut recueilli par des soldats allemands et survécut, sans qu’aucun organe vital n’ait été endommagé.

 

La section « phare » des « Aiglons » fut certainement celle consacrée à l’acrobatie et aux numéros artistiques. On peut même dire que certains de ses adhérents, et adhérentes ! connurent une belle gloire.


Les représentations ou Les Aiglons effectuaient des exercices aériens à l’aide de cerceaux, échelles et cordes (numéros détaillés plus loin) ont attiré les foules pendant des années. Ainsi, pour les fêtes du centenaire de l’église Saint-Hilaire d’Halluin, en 1956, le programme dont ils étaient les vedettes a attiré un public record sur la place, devant l’édifice religieux. 

La section escrime des Aiglons en 1956 était notamment composée de : Marcel Trachet, Jacques Mahieu, Jean-Pierre Vermeersch, Jean-Pierre Meunier, Lucien Callewaert, Willy Deprez, Jacky Lossery, Adrien Vandewattine, Alain Lameire, Marcel Vancoillie.
 

Germaine Tacquet, épouse d’André Deblauw, décédée en octobre 91, fut une des grandes figures féminines de l’association. Tout comme Jacqueline Tacquet et Ginette Van Hecke, particulièrement douées pour les numéros acrobatiques les plus difficiles. Quant aux spécialistes de plongeons, c’étaient Paul Houte et Arthur Tant, qui passaient notamment à travers un cercle de feux.

 

Un petit groupe appelé « Les trois Aiglons » se distingua aussi par des numéros extrêmement dangereux. Ils furent à juste titre surnommés « Les acrobates de la mort ». Yvonne De Ridder fut la première élève de la section féminine et la première partenaire des « trois Aiglons » ; trapéziste, équilibriste et contorsionniste, elle fut rattrapée en pleine gloire par la mort, suite à une grave maladie.

 

Yoland Van Baelen lui succéda aux côtés de Paul Houte et André Deblauw, dont le nom d’artiste était André d’Avelys.

 

Les Aiglons purent, grâce à leur flatteuse réputation, participer aux tournées des Roubaisiens Gaby Verlor et Jean Davril. Ils côtoyèrent aussi Georges Milton, célèbre vedette de cinéma des années 30 à 38.

 

Disposant aussi d’un important répertoire de sketches et pièces uniques, ainsi que de plusieurs comédiens de talent, tels Joseph Demeyer, Nicadore, Jean-Pierre Quartier, Robert Lepoutre ou Joseph Losfeldt, les Aiglons étaient capables de présenter plusieurs heures de spectacle varié. Des spectacles, il est vrai, à faire frémir le public, surtout quand on sait qu’à l’époque, les files et les câbles de sécurité n’existaient pas.

 

Une simple défaillance pouvait alors se payer très cher : « Il fallait réussir ou périr » était-il rappelé dans le livre. Aujourd’hui encore, la description de certains numéros fait froid dans le dos : équilibres tête à l’envers et à grande hauteur, sur un échafaudage construit à l’aide de tables, chaises, bouteilles et échelles… Ou encore sur la rambarde du phare de Dunkerque !

 

En effet, l’halluinois André Deblauw fut le seul qui se soit risqué à faire un équilibre impeccable sur la rambarde, au,sommet du phare de Dunkerque, ceci devant de nombreux témoins, qui plus est, dans le mauvais sens en plus, comme le répétait souvent Paul Houte ; exploit très difficile à réaliser, à cause du vent du large qui souffle toujours très fort à cet endroit.

 

Si Les Aiglons arrivèrent même à créer des numéros fantastiques, art périlleux et toujours inédit ; le numéro d’équilibriste au-dessus des baïonnettes était le plus dangereux et le plus difficile à réaliser.


Ce numéro consistait à tenir en équilibre sur des échafaudages fragiles, instables, composés de tables, de quatre bouteilles, de chaises et d’échelles, en évitant la moindre secousse, et situés au-dessus d’une baïonnette, il fallait descendre en fléchissant sur les bras pour mettre la pointe de cette dernière sur la gorge ; ensuite remonter le poids d’un corps de 80 kilos, redescendre à la force des bras pour faire pénétrer l’arme profondément dans la bouche, remonter, puis redescendre une troisième fois pour placer cette pointe entre les deux yeux.


Tous les équilibristes et anciens gymnastes savent à quel point il est difficile et dur de faire l’équilibre en force, mais en plus descendre et remonter trois fois le poids du corps, c’est quelque chose ; surtout quand il y a la mort au bout, une défaillance ou une glissade et l’      arme aurait été enfoncée jusqu’à la garde, à cause du poids du corps.

 

Il fallait une foi absolue en la solidité de ses muscles pour prendre de tels risques mais parole « d’Aiglon », le public adorait cela.

 

Un autre numéro difficile et dangereux provoquait l’enthousiasme du public : Deux chaises étaient placées debout sur une table de café, siège contre siège, entre les deux, une baïonnette était solidement fixée. André Deblauw faisait l’équilibre sur les deux dossiers des chaises, ainsi écartées au-dessus de la baïonnette, tandis que son partenaire Paul Houte se lançait dans un plongeon formidable, pour passer au-dessus de la baïonnette et sous son partenaire en équilibre. Il ne pouvait toucher ni son partenaire ni la baïonnette.


Ce beau numéro obtenait toujours une ovation frénétique et prolongée. Tenir en équilibre sur deux chaises posées sur une table, avec en plus une baïonnette au milieu, était déjà d’un haut niveau, mais y exécuter un plongeon d’une extrême précision, cela devenait spectaculaire.

Il y avait ainsi une dizaine de numéros combinés d’équilibres et de plongeons, tous plus difficiles les uns que les autres.

 

De même le numéro aux anneaux avait la faveur du public, surtout s’il pouvait être exécuté à grande hauteur et au-dessus du public, dans les grandes salles ou en plein air.


C’était un travail très dur et épuisant. Il fallait grimper plusieurs mètres de corde pour atteindre ces anneaux. Au trapèze, on peut récupérer et se reposer un instant en se mettant debout ou assis sur le trapèze, mais aux anneaux il n’y a pas de répit, et il faut disposer davantage de force, d’énergie et d’agilité, surtout à cette hauteur.


André Deblauw avait réussi à créer un numéro sensationnel, unique au monde et qu’aucun champion olympique, selon lui, n’a été capable de réaliser, même à hauteur normale.

 

Après les plus beaux numéros classiques, croix de fer en équilibre, planche libre, casse-cou, etc. L’halluinois remontait les bras tendus sur les anneaux par renversement, les jambes pointées vers le haut, puis debout sur les bras tendus, il se lançait tête en avant dans le vide, pour tourner en dislocations avant, à une vitesse fantastique, pour effectuer ensuite une série de dislocations arrière.


L’effort et l’énergie, que ce numéro exige, sont indescriptibles ; il faut bloquer la respiration pour tourner le plus vite possible. La réaction du public était à chaque fois formidable, mais l’artiste, lui, est complètement ivre d’avoir tourné à cette vitesse record ; heureusement que le temps de ces longues ovations lui permettait de récupérer et de reprendre le contrôle de lui-même.

 

Le troisième numéro était un numéro aérien de toute beauté, produit par sept femmes et un homme. Les exercices de voltige étaient audacieux et spectaculaires mais trop difficiles à décrier. Dans un des derniers numéros, le partenaire tient horizontalement une lourde échelle par les dents, et deux partenaires produisent leur numéro à chaque extrémité. Lorsqu’il faisait ce numéro avec deux partenaires hommes, il soutenait un poids de 150 kilos par les dents, et pendu par les genoux qui devaient être d’un solidité à toute épreuve ; surtout dans le dernier numéro dans lequel il portait ainsi ses sept partenaires, dont le poids impressionnant était de 380 kilos, dans une telle position, suspendu par les genoux, c’était incroyable !

 

Il est dit que les meilleures choses doivent avoir une fin. Ce mot mit un terme à l’histoire des Aiglons au début des années 70, quand les adhérents décidèrent de ne pas poursuivre l’œuvre d’André Deblauw en l’absence de ce dernier. Ultime fidélité au fondateur de cette société.

 

  

Ce récit est tiré du livre « Histoire de la société artistique sportive et culturelle « Les Aiglons » (160 pages et documents) par l’halluinois André Deblauw.

 

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Je suis Mr Robert LEPOUTRE dernier survivant des aiglons.J'ai pris connaissance du site chez ma petite fille Julie. J'ai eu la chance d'avoir pu consulter ce livre, que l'on m'a prêté.Je serais ravi que l'on me consulte pour discuter de notre jeunesse. Avis aux amateurs !
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