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Publication relative à l'histoire de la ville d'Halluin 59250. Regard sur le passé et le présent.

Ici Halluin, Maurice Schumann parle aux Halluinois. Sa dernière conférence à Halluin, le 17 Septembre 1988.



Maurice Schumann a été, est et sera toujours gaulliste. Tout le petit monde venu l’écouter  ce samedi 17 septembre 1988, à la bibliothèque municipale, en a eu confirmation.

 

Venu dans le cadre de l’exposition sur le trentenaire de la cinquième République, intitulé « De Gaulle, père de la cinquième République », dédicacer son livre « Un certain 18 juin », le sénateur est venu entretenir l’auditoire, pendant près d’une heure, de quelques aspects d’Histoire sur le général de Gaulle.

 

Peut-on véritablement parler de conférence ? L’excellent orateur, le célèbre homme politique qu’est M. Maurice Schumann a plutôt choisi le ton de l’exposé intimiste. Fervent admirateur du Général, proche collaborateur à certains moments de la carrière politique du fondateur de la Vème République, Maurice Schumann a eu plusieurs fois l’occasion de s’approcher, de s’entretenir, de travailler avec le général de Gaulle auquel il voue une admiration sans limite.

 

M. Schumann fut accueilli à la bibliothèque par les responsables de l’établissement et surtout les élus politiques parmi lesquels MM. Didier Desprez, maire, entouré de nombreux adjoints et conseillers municipaux ; Alexandre Faidherbe, conseiller général ; Patrick  Delnatte, adjoint au maire de Tourcoing.

 

Mlle Valérie Lenglaert, bibliothécaire, souhaita la bienvenue aux uns et aux autres. M. Jean-Pierre Verschave, adjoint chargé de la Culture, vit dans la visite de M. Schumann à la bibliothèque, baptisée depuis peu centre culturel Albert Desmedt, tout un symbole, puisque les deux hommes furent étroitement liés par l’amitié et que, ce samedi,  c’était la première manifestation officielle dans ce bâtiment depuis son baptême.

 

Maurice Schumann a commencé par rappeler son passé, lié à Halluin (il a longtemps représenté le canton)… puis il rendit hommage à l’ancien maire d’Halluin, citant Lamartine : « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ».

 

Il exprima tout l’émotion qu’il ressentait à se trouver là : «Tous, vous êtes mes amis, même si vos orientations politiques sont différentes. Tout le monde est, a été ou sera gaulliste ».

 

L’ancien ministre parlera « avec franchise, découpant de larges pans de son passé, jusqu’ici restés confidentiels ». Un ton intimiste qui a permis de passer au sujet de la conférence, (De Gaulle, père de la Ve République)  tout en s’assurant l’attention du public.

 

Le compagnon de la Libération qu’est M. Schumann évoqua alors comment le général de Gaulle a toujours été obsédé par le problème des institutions. « Déjà, en 1915, il écrivait à sa mère qu’il voulait donner une ossature au régime…  s’il revenait vivant de la guerre. En 1946, il se retira parce qu’il n’y avait pas de majorité prête à doter la République d’institutions. Autour des institutions qu’il nous a léguées, s’est établi aujourd’hui encore un certain consensus ».

 

C’est ainsi par exemple, que M. Schumann expliqua comment il était personnellement hostile à la réduction du mandat du Président de la République de 7 à 5 ans : « La constitution est un tout ».

 

En fait, M. Schumann était venu pour dédicacer son livre : « Un certain 18 juin ». Il ne fut guère question du fameux appel de Londres, mais le conférencier expliqua par quelques exemples précis (Suffrage universel, droit de dissolution, référendum) à quel point le général de Gaulle avait raison : ces thèmes largement contestés à l’époque, font aujourd’hui l’objet d’un consensus. « La pensée du Général n’a pas variée, même si elle n’a été que progressivement révélée ».

 

« Je comprends que des Français en 1958 aient estimé que l’on donnait trop de pouvoirs au Président de la République. Par la suite, et notamment lors des évènements d’Algérie ou de mai 1968, on se rendit compte que ces institutions avaient été bien élaborées et qu’elles nous évitèrent des drames dans ces périodes de remous.

 

« Le général savait où il allait, que ce soit face au problème algérien (Un drame qui m’a divisé et déchiré moi-même comme il a déchiré les Français), face à l’Europe et notamment dans le cadre de la réconciliation franco-allemande, à l’intégration atlantique… »

 

L’ancien collaborateur du Général s’est ensuite attaqué à l’idée selon laquelle De Gaulle aurait sans cesse fait le procès du Marché commun. En fait, il estimait que l’Europe permettrait de « donner un coup de fouet à la concurrence, à l’esprit d’exportation, d’initiative et de conquête »…

A l’aube de 1992, ces propos semblent étrangement d’actualité. Il ont été prononcés en 1958.

 

M. Schumann n’hésita pas à citer des anecdotes, à rappeler la teneur de certains discours avec une mémoire prodigieuse à la hauteur de celle du Général.

 

L’ancien président de la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée Nationale a fait sourire son auditoire en abordant le chapitre de l’Europe. « De nombreux Halluinois ont longtemps pensé que Robert Schuman, fondateur de l’Europe, était mon père. Ainsi ils me disaient : « min fils, y va à tin collèch ». Et je leur expliquais que le collège Robert Schuman, c’était pas min collèch ».

 

Le dernier ministre des Affaires sociales sous de Gaulle consacra le volet final de la conférence à l’œuvre sociale du président. Son grand rêve était la participation aux bénéfices, aux responsabilités, à la gestion.

 

Pour Maurice Schumann, le général de Gaulle n’est pas resté assez longtemps pour pouvoir accomplir tout son travail notamment dans le domaine social par la participation à la gestion, qui, aujourd’hui, a fait tant de progrès dans le monde entier. La doctrine, remarqua M. Schumann ne fait-elle pas fureur aujourd’hui au Japon ou aux Etats-Unis,  « Nous sommes bien loin du grand dessein social du Général ».

 

Et le compagnon de la Libération d’évoquer alors la dernière conversation qu’il eût avec le général. Souvenir poignant, trois jours avant le référendum, De Gaulle déclarait à son ministre : « Nous allons perdre… Si les Français n’avaient besoin que d’être rassurés, ils pourraient se passer de De Gaulle. S’ils veulent construire un régime social nouveau, avec la responsabilité directe de tous les acteurs de la vie économique, alors nous pouvons jouer un grand rôle ». On connaît la suite :

 

  « Ceux qui auraient bénéficié de la participation n’ont pas compris et votèrent contre. Ceux qui avaient bien compris… en firent autant ».

 

Témoin direct certes, historien sans doute, mais admirateur convaincu, M. Maurice Schumann l’était lors de cette conférence. Il a voulu tourner à Halluin une page d’Histoire… personnelle qui se confond étrangement pour celui qui fut des années durant un représentant politique de la ville aux plus hautes instances, avec l’Histoire tout court : "Je vous devais bien cela !"

 

Mais pour Maurice Schumann, le travail du Général garde un goût d’inachevé, et l’Histoire a laissé à l’éternel admirateur un arrière-goût d’amertume :

 

« Je suis inconsolable que l’œuvre du général, notamment dans le domaine social, n’ait pas pu être terminée. C’est peut-être pour cela qu’il fut balayé en 1969 de la scène politique… parce qu’il n’avait pas eu le temps de tout faire, parce qu’il y avait tellement à faire ».

 

 

A son âge… Oui mais…

 

40 minutes ont passé. M. Schumann, dans son costume bleu sombre rehaussé de la fameuse rosette, a parlé debout.

 

Les épaisses lunettes d’écaille qu’il fait alterner de temps à autres, gestes – mesurés mais convaincus – font partie du personnage. A peine a-t-il jeté un coup d’œil aux discours du général qu’il tenait à la main. La voix, vieillie, certes sait prendre des élans, des accents qui forcent l’attention.

 

Très applaudi, le sénateur réclame le débat qu’il attendait. Silence. Timidité du public. On le comprend, prendre la parole après un académicien au verbe sûr, aux subjonctifs imparfaits parfaitement maîtrisés, n’est pas chose facile. Même le maire s’est vite délesté du micro.

 

Après quelques interventions, coordonnées par la bibliothécaire, Mlle Valérie Lenglaert, un Halluinois trouva le mot de la fin, en félicitant M. Schumann pour sa mémoire « aussi remarquable que celle du général ».

 

Certains ricanent : « A son âge, il ferait bien de se retirer de la scène politique et culturelle ».

 

« A son âge »… Oui, mais n’est pas « immortel » qui veut.

 

Le savoir-vivre de Maurice Schumann devenu rare aujourd’hui, son français immaculé, sa culture tout-terrain inspirent un respect qui fait que celui qui pose une question se lève (En l’occurrence, Daniel Delafosse cheville ouvrière de l’exposition) et reste debout en écoutant la réponse…

 

 

(Archives D.D., Presse).

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