Publication relative à l'histoire de la ville d'Halluin 59250. Regard sur le passé et le présent.
Le 28 septembre 1991, lors de l’inauguration des nouvelles installations du cinéma « Le Familia », Daniel Delafosse, annonçait le soutien officiel d’Yves Montand au nouveau départ du cinéma halluinois.
Quand il apprit que la cérémonie de la 17ème Nuit des César 92 serait dédiée au regretté Montand, Daniel Delafosse, membre de l’office du cinéma halluinois, décidait d’écrire à M. Georges Cravenne, grand ordonnateur et fondateur de cette manifestation, afin de pouvoir éventuellement y assister, et pourquoi pas être au cœur du spectacle, c’est-à-dire pouvoir côtoyer les gens du cinéma dans les coulisses !
Un mois plus tard, son émotion fut grande, lorsqu’il apprit par un coup de téléphone, puis confirmation par courrier d’Antenne 2, que sa demande était acceptée !
Effectivement, un cadeau royal était offert au cinéphile halluinois, puisque Georges Cravenne lui donnait la possibilité d’avoir une carte d’accréditation dans la salle de presse (proposition exceptionnelle pour une personne non rattachée à la profession), l’endroit même où les actrices et acteurs défilent, lors de la cérémonie, afin de satisfaire aux séances de photos, pour les différents journaux et magazines, ainsi qu’aux interviews des radios et télévisions.
C’est dans les coulisses de cet évènement devenu déterminant de la saison du cinéma en France, que Daniel Delafosse vous invite à partager les moments forts qu’il a vécus, pour un soir, parmi le gotha du cinéma français, européen, et même mondial avec la présence du prestigieux acteur américain Sylvester Stallone.
Honneur à Michèle Morgan
Comme prévu, ce samedi 22 février 1992 à 20 h précises, je suis présent au Palais des Congrès à Paris, dans la salle de presse qui jouxte l’immense scène où se déroulera la remise des récompenses, pour la saison cinématographique 1991.
Il y a en fait deux endroits pour les médias, le premier transformé en studio, où les photographes accrédités prennent, sur leurs pellicules, les lauréats au ur et à mesure que ceux-ci sont élus dans les différentes nominations.
Lorsque les artistes récompensés ont terminé la séance des photos, ceux-ci sont invités à passer dans une autre pièce, là où se déroulent les interviews auprès des reporters de la presse écrite, de la radio et de la télévision.
Pour éviter toutes bousculades et désordres, on ne pouvait passer continuellement d’un endroit à l’autre, il fallait trancher ! Dans la première demi-heure, je décidais de rester parmi la quarantaine de photographes professionnels, afin d’assister aux premiers moments forts de la cérémonie.
Afin que chacun puisse suivre le fil conducteur de la soirée télévisée, des postes de télévision étaient installés à différents endroits.
La première personne à se trouver sous les crépitements incessants des flashes, fut la présidente de la soirée Mme Michèle Morgan, encore toute émue par l’hommage de Jean-Loup Dabadie, président de l’académie des arts et techniques du cinéma, qui lui a remis un César d’honneur pour sa prestigieuse carrière.
Pour ma part, ce fut la première grosse émotion de cette « sacrée soirée » que d’être en présence de l’une des plus grandes dames du cinéma français, l’inoubliable interprète de « La symphonie pastorale », « Les orgueilleux » ou « Quai des Brumes », celle qui continue à incarner, à travers les générations, le charme et la beauté.
Sur les talons de Jane March
Après ce moment « déjà » inoubliable, je voyais défiler, successivement, dans le studio : Manuel Blanc, césar du meilleur espoir masculin, légèrement intimidé par la horde de photographes, suivi de l’héroïne du dernier film de Jean-Jacques Annaud « L’amant », la ravissante anglaise Jane March qui, quant à elle, faisait preuve d’une formidable aisance devant les objectifs, précédée du séduisant Vincent Pérez (le beau séducteur dans Cyrano).
La présence de Jane March (que les Halluinois découvriront sur l’écran du familia début mars) me décidait à abandonner, définitivement, le studio photos, pour la suivre dans la salle d’interviews. Là j’assistais aux impressions des vainqueurs de chaque catégorie, qui, toutes et tous, fort aimablement répondaient aux multiples questions des journalistes.
Tour à tout, apparaissaient Claude Brasseur, très tendu, accompagné de son fils Alexandre, ainsi qu’Odette Joyeux présents pour l’hommage rendu au « grand » Pierre Brasseur.
Suivait le grand triomphateur de la soirée Alain Corneau, très loquace et heureux qui réussit le grand chelem : meilleur film et meilleur réalisateur, plus cinq autres césar pour ce chef d’œuvre d’intelligence et de beauté intitulé « Tous les matins du monde » (programmé sur Halluin à la mi-février) ; ce film pour Corneau, consacré à la musique baroque « est en définitive une musique moderne ».
Malgré leur jeunesse, les deux césar de la catégorie espoirs : Géraldine Pailhas et Manuel Blanc semblaient « déjà » rodés à l’épreuve redoutée des questions, concernant leurs prestations dans « La neige et le feu » pour la première, et « J’embrasse pas » pour le second.
Entre le cigare de Dutronc et celui de Carmet
Au milieu de la soirée, arrive dans la salle de presse, Jacques Dutronc, bouleversant Van Gogh, avec son éternel cigare, ses lunettes noires et son profil émacié.
Très heureux en l’occurrence d’avoir décroché le césar du meilleur acteur, souriant, distillant des petites vannes comme : « Mon césar, je vais le refiler à un bijoutier ou à un brocanteur » et annonçant, à la grande joie de ses écouteurs et en particulier de votre serviteur, qu’il enregistrait actuellement un nouvel album, et qu’il comptait bien remonter sur scène prochainement, comme le souhaite son public.
« Merci pour cette excellente nouvelle, bravo et chapeau M. Dutronc, pour votre talent, votre disponibilité et la grande gentillesse qui émane de votre « personnage ».
Ce compliment, je peux aussi, sans partie pris, l’attribuer à l’acteur mondialement connu M. Sylvester Stallone. Vraiment charmant, il ne la ramène pas, et répondait très aimablement à la presse que : « Rocky » c’était fini, que son dernier film « Arrête où ma mère va se tirer » est une comédie burlesque, et que les prochains «Rambo » seront écolos.
Aussi sympathique que l’ami Jacques, Sylvester Stallone, récompensé par un césar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière, ne méritait absolument pas les quelques sifflets ayant accueilli son arrivée sur la scène du Palais des Congrès.
Entre plusieurs photos et l’écoute des commentaires, j’ai eu la chance de recevoir les autographes de Manuel Blanc, Sabine Azéma, Alexandre et Claude Brasseur, Alain Corneau, Mathilda May, Marie Gillain (la partenaire de Depardieu dans « Mon père ce héros ») Jacques Dutronc, des cinéastes Robert Enrico, Roman Polanski, et de la cantatrice Barbara Hendrix.
Seul regret personnel, l’absence aux interviews de Jeanne Moreau consacrée meilleure actrice, que le reporter halluinois avait rencontré par hasard à Bruxelles, en janvier dernier, et dont il avait prédit, sa victoire aux césar, malgré sa faible cote d’alors auprès des spécialistes.
Ce manque fut compensé, en fin de soirée, par la dernière présence devant les micros, de l’un des plus populaires et des plus expérimentés des comédiens : Jean Carmet, qui obtenait, pour la seconde fois, le césar du meilleur second rôle masculin pour son interprétation dans « Merci la vie » de Bertrand Blier.
A l’inverse de certains acteurs hostiles à cette manifestation, Jean Carmet répondait aux journalistes : « Qu’il était présent aux césar, car il aimait les récompenses tout simplement, et que cela le rendait heureux » ; sans oublier de faire référence à d’autres trophées, comme ces « fameuses » bouteilles de Bourgogne !
Non je n’ai pas oublié
C’est sur ces mots, et après avoir tenu dans les mains le césar de Jean Carmet pour la dernière photo souvenir, que la grande fête du cinéma français se clôturait pour le correspondant et programmateur du cinéma halluinois.
Dans ce rituel, aujourd’hui bien au point, que constitue la cérémonie des César, il restera pour Daniel Delafosse, avec le recul, des moments, des images, des attitudes, des émotions inoubliables !
Ce véritable conte de fées vécu par ce cinéphile halluinois ne pouvait s’achever, sans qu’il adresse ses très sincères remerciements à M. Georges Cravenne « le père des César » pour ce grand moment de bonheur, sans oublier la visite émue, qu’il fit le lendemain sur la tombe d’Yves Montand, au cimetière du Père Lachaise.
« Non, M. Montand, je n’ai pas oublié ce que vous m’avez accordé, un jour de septembre, avec toute ma reconnaissance ».
Ce sera aussi la conclusion de Daniel Delafosse.
(Archives D.D., VdN, 1/3/1992).
Hommage à Jean Carmet, après son décès survenu le 20 avril 1994
« Ma première rencontre avec Jean Carmet se déroula, effectivement, lors de la cérémonie des « César » le 22 Février 1992. C’est lors de cette soirée inoubliable, que l’acteur me donna l’occasion de tenir pour la première fois, la fameuse statuette comprimée conçue par le sculpteur César.
Immortalisé par une photo avec l’acteur, ce moment inattendu et magique restera l’un de mes plus beaux souvenirs cinématographiques. A la suite de notre rencontre, il m’adressa deux photos prises sur un tournage avec notamment la dédicace suivante :
« Pour Daniel, en amitié, en souvenir et en le remerciant pour sa présence si utile dans le cinéma, fidèlement ».
Dans ce monde du cinéma, parfois décrié, et en plus de son remarquable talent, Jean Carmet représentait la gentillesse, la simplicité, et possédait un sens de l’humour extraordinaire.
Grand merci à vous Monsieur Carmet pour tout ce que vous avez donné et apporté à la longue histoire du cinéma français ».
Daniel DELAFOSSE
Biographie de Jean Carmet
Acteur français né le 25 juillet 1920 à Bourgueil. Très jeune, Jean Carmet interrompt ses études et monte à Paris où il débute comme figurant au Châtelet, puis à l'Opéra. Par la suite, il entre comme régisseur stagiaire aux Mathurins chez Marcel Herrand. Parallèlement à sa carrière théâtrale, il fait de la figuration au cinéma notamment dans LES ENFANTS DU PARADIS de Marcel Carné.
Après avoir fait partie de la troupe des "Branquignols" de Robert Dhéry, Jean Carmet se partage entre de longues séries d'émissions à la radio, des disques avec des monologues poétiques, et beaucoup de films et de courts métrages notamment : ON DEMANDE UN BANDIT (1950), ROULONS (1951).
Avec les années 1960 le personnage de Jean Carmet se modifie. A la silhouette du gros arçon bonasse se substitue un monsieur-tout-le-monde inquiétant ou cocasse, prélude aux grands rôles de la maturité.
Il choisit avec soin ses films et ses rôles et, surtout les équipiers avec qui il travaille. Il poursuit son chemin avec ses amis Robert Dhéry, Yves Robert, Pierre Richard et Michel Audiard mais il a aussi le plaisir de tourner les premiers films de Joël Santoni, de Michel Berny et de Pascal Thomas.
Les silhouettes qu'il a pu rendre populaires au cinéma, au théâtre, à la radio disparaissent pour faire place à des personnages plus complexes; ceux de LA RUPTURE de Chabrol, ou de DUPONT LA JOIE de Boisset. " Je suis un acteur de composition, obligé parfois de prendre des risques pour ne pas m'abandonner à la mollesse. Peut-être que j'aurais pu faire une carrière apparemment plus harmonieuse, mais je préfère mes risques.
Et il est vrai que depuis son rôle de raciste et de violeur dans DUPONT LA JOIE (Yves Boisset, 1974), Jean Carmet n'hésite plus à incarner des personnages de plus en plus marginaux, grotesques souvent, odieux parfois. Pitoyables aussi comme ce sergent Bosselet, dans LA VICTOIRE EN CHANTANT, ou Baptiste Nozière, de père veule et lubrique de VIOLETTE NOZIÈRE.
En revanche, l'assassin de BUFFET FROID, le journaliste de LA BANQUIÈRE ou le paysan de CANICULE, entre autres, sont des " méchants " au sens strict, mais : "Dans le fond, pour véhiculer certains méchants, ou pour les rendre plausibles à l'oeil, il faut peut-être déployer plus de charme et d'humanité.
Par contre les rôles comiques sont de plus en plus rares -et complexes d'ailleurs, tel le vétérinaire des FUGITIFS - alors qu'apparaissent d'émouvants personnages d'amoureux, le François Dupuis d'IL Y A LONGTEMPS QUE JE T'AIME, toujours épris de sa femme après vingt ans de mariage ou MISS MONA, travesti ridicule que l'amour d'un homme transfigure.
Depuis 1978, J. Carmet a multiplié ses participations à des téléfilms : "La stratégie du serpent " (Yves Boisset, 1979), " Trois morts à zéro" (Jacques Renard, 1981), "L'été 36" (Yves Robert, 1986), " Les étonnements d'un couple moderne " (Pierre Boutron, 1986), parmi d'autres. Revenu sur les planches, en 1984, il joue au Théâtre de l'Odéon, dans le " Ionesco " mis en scène par Planchon. Il a reçu le César du second rôle masculin en 1983 pour LES MISERABLES de Robert Hossein, et en 1992 pour MERCI LA VIE de Bertrand Blier.
Jean Carmet est décédé le 20 avril 1994 à Sèvres dans les Hauts de Seine.
Source : www.cinemapassion.com/
Quelques citations de Jean Carmet :
«Avoir des dettes, c'est le seul moyen de rester dans la mémoire des classes commerçantes.»
«La seule arme qui m’intéresse, c’est le tire-bouchon. »
«Celui qui dit qu’il est arrivé, c’est qu’il n’est pas allé bien loin.»
«Boire ou conduire il faut choisir, mais on ne va tout de même pas rentrer à pied.»
«Un sous-marin, pour une baleine, c'est un gros suppositoire.»
Jean CARMET