Publication relative à l'histoire de la ville d'Halluin 59250. Regard sur le passé et le présent.
Il fut, assurément, l’une des grandes figures de la vie halluinoise du vingtième siècle, qui ont marqué la mémoire de plusieurs générations.
Lors du décès d’Henri-France Delafosse, survenu le 16 septembre 1966, le journaliste Albert Desmedt (ancien Maire) écrivait ceci :
« C’était une personnalité très importante d’Halluin, on peut même dire un personnage. S’il a consacré le meilleur de lui-même aux anciens combattants d’Halluin, il n’a été étranger à rien de ce qui était utile et profitable à sa ville. Organisateur, meneur d’homme, il avait su conquérir l’estime et la confiance de ses concitoyens qui admiraient son enthousiasme, sa compétence et sa droiture. C’était un homme de devoir dans toute l’acceptation du terme, dont on écoutait les conseils et les suggestions et dont on se disputait le concours ».
Henri-France Delafosse est né le 1er Octobre 1894 à Saint-Florent (Cher). Il est le benjamin d’une famille de treize enfants, fils d’un receveur buraliste qui se fixera à Halluin en 1900.
Le 27 août 1914, le jeune appelé halluinois de 19 ans, sous la pression de l’ennemi, quitte son domicile. Il est incorporé, à sa demande, au 1er régiment de zouaves à Alger le 10 septembre, affecté à la 67ème compagnie.
Volontaire pour rejoindre le front français, il quitte l’Algérie le 15 janvier 1915 et reçoit le baptême du feu à Nieuport (Belgique) dans les rangs du 1er régiment de marche des zouaves.
Dès lors et sans interruption, il participe à toutes les opérations où se trouve engagé son régiment de la mer du Nord aux Vosges.
Notamment dès le 22 février 1916 lors de l’héroïque bataille de Verdun, dans les sanglants combats de Cumières, dans la défense mémorable du Mont-Homme, dans les corps à corps de la côte 304. Il restera l’un des huit survivants de la 4ème section de la 16ème compagnie, où il fut gravement blessé, une première fois, par éclats d’obus à la tête.
Il est cité à l’ordre du Régiment pour avoir entraîné crânement ses Hommes à l’attaque du 21 octobre 1916, puis une seconde fois par le Lieutenant-Colonel Poirel :
« Delafosse caporal de la 15ème compagnie lors de l’attaque du 20 mai 1917 et les jours suivants, étant agent de liaison, a assuré la transmission des ordres sous des tirs de barrage d’une violence peu commune ; gradé courageux, faisant preuve du plus grand mépris du danger et de beaucoup d’initiative ».
Un an plus tard, en 1918, il participe à l’arrêt de l’offensive allemande sous Compiègne de mai à juin.Cette fois, il est cité à l’ordre de l’Armée, en compagnie de son Régiment, par le Général Mangin :
« Après une série de dures actions de détail exécutées avec succès du 11 au 18 juillet 1918, et dont la réussite a eu une importance de premier ordre pour les opérations ultérieures, ce régiment a participé à l’offensive générale avec une bravoure et un allant admirable, brisant, après des combats acharnés, toutes les résistances ennemies. Au cours de neuf jours de combats, ce régiment a capturé 350 prisonniers, 13 canons et 130 mitrailleuses ».
Après avoir pris part à plusieurs attaques en forêt de Villers-Cotterêts, et tant de fois vu rôder la mort, c’est le 17 juillet 1918, que le caporal Delafosse est atrocement blessé et intoxiqué par l’ypérite. Il restera parmi les morts dans un état comateux, pour n’être ramassé que 24 H après par des ambulanciers américains. Sorti du coma huit jours après, aveugle durant trois semaines, brûlé sur toutes les parties du corps, les poumons attaqués, il a enduré les pires souffrances, pendant plusieurs mois, lors de ses hospitalisations à Tours, Paris et Tarascon.
Invalide temporaire à 100 % des suites d’intoxication par gaz, il est reconnu inapte à tout service armé. Il est alors détaché à la 20ème section des secrétaires d’Etat-major à Paris, où il occupe successivement différents emplois y compris celui de secrétaire à l’Etat-major du Maréchal Foch.
Effectivement, de l’enfer des tranchées de 14/18 au secrétariat du Commandement en chef des armées alliées du Maréchal Foch, Henri-France Delafosse aura tout connu !
Mobilisé depuis cinq ans, dont 42 mois de guerre, la démobilisation l’atteint le 15 août 1919, où il retrouve à Halluin ses vieux parents, pour la première fois, depuis son incorporation !
Ses hauts faits lui valurent de recevoir à titre militaire les plus prestigieuses récompenses : la médaille de Verdun, la Croix de guerre avec palmes, mais aussi la plus belle récompense pour un soldat, la médaille militaire le 16 juin 1920, avec l’appréciation du Colonel Canavy :
« La conduite pendant la guerre du Caporal Delafosse, représente à mes yeux, un des plus nobles exemples de l’accomplissement du devoir militaire ».
En 1920, Henri-France Delafosse était l’un des fondateurs de la section halluinoise de l’Union nationale des Combattants, avant de devenir président actif en 1937, puis président d’honneur.
Le 2 septembre 1939, la seconde guerre mondiale est déclarée ; le soir même, Henri-France Delafosse président de l’U.N.C. d’Halluin propose à la commission de constituer un comité d’entraide aux combattants halluinois. Le bureau présidé par lui-même et, composé de MM. Victor Hottelart, Pierre Defretin, Maurice Toulemonde, Julien Verhulst, crée le 12 septembre 1939 la première œuvre de ce type en France.
Au 17 mai 1940, date de l’arrêt forcé de l’activité du Comité, par suite de l’imminence de l’arrivée des troupes allemandes, ce sont 1600 colis qui ont ainsi pris la direction du front, tandis que 450 mandats étaient adressés aux combattants. Ce mouvement sera élargi, par la suite aux prisonniers ; à la date du 31 mars 1942, 3573 colis ont été fournis aux familles de prisonniers et 4012 colis ont été expédiés directement par les soins du Comité d’Entraide.
Durant cette période douloureuse, le rescapé de Verdun milita aussi comme membre du Rassemblement démocratique des résistants d’inspiration chrétienne.
Après la guerre, en 1948, il proposa avec M. Maurice Toulemonde d’ériger un mémorial aux enfants d’Halluin de 39-45 ; ce projet trouva son accomplissement grâce à une souscription publique. Membre fondateur, également, du groupe des mutilés de guerre, c’est sous sa présidence que cette association fit don de la magnifique grille qui entoure le monument aux morts, rue de Lille, arborant les inscriptions : Bravoure, Patrie, Endurance, Sacrifice, Honneur, Vaillance, Courage, Héroïsme.
Outre les nombreuses distinctions qu’il avait reçues, Henri-France Delafosse se voyait remettre la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur, à titre militaire, le 14 juillet 1954, des mains de son ami de toujours le Docteur Albert Louf, qui concluait son hommage ainsi :
« Le petit caporal du 1er zouaves de Marche, peut comme Napoléon, le petit caporal de la grande Armée, redire après lui : C’est la Volonté, le Caractère, l’Application et l’ Audace qui m’ont fait ce que je suis ».
Si l’activité militaire d’Henri-France Delafosse fut exemplaire, sa vie professionnelle, familiale et sociale le furent tout autant.
Après sa démobilisation, il put reprendre son emploi à Halluin et, fut nommé fondé de pouvoirs du Crédit du Nord. En 1924, son excellente réputation, ses capacités professionnelles et l’estime générale dont il jouissait à Halluin, le firent choisir par le conseil d’administration de la Banque Scalbert à Lille, qui lui confia le soin de diriger l’agence qu’elle fondait à Halluin, et cela jusqu’au 31 décembre 1954 date de sa mise à la retraite.
De son union avec Rose Marie Canar, naquit douze enfants ; l’exemple de cette famille était si éloquent, que l’Académie française en 1936 attribue aux époux Delafosse-Canar le premier prix de la Fondation Cognac-Jay.
Evènement exceptionnel, la visite à Halluin du Cardinal Liénart, en octobre 1937, pour la célébration du baptême du douzième enfant, de Rose Canar et Henri-France Delafosse, prénommé Pierre Achille.
Malheureusement,après une pénible maladie, son épouse devait disparaître le 13 janvier 1942, dans sa 46ème année.
Cinq ans plus tard en 1947, il épousait en secondes noces Marie-Antoinette Danset qui lui donna huit autres enfants. Avec vingt enfants, Henri-France Delafosse possédait une des plus belles familles de la région.
A Halluin, malgré ses occupations professionnelles très abondantes et les charges d’une grande famille, tout ce qui touchait à la vie halluinoise l’intéressait.
Occupant le poste de trésorier, il fut l’un des principaux artisans de la création du premier Syndicat d’initiative baptisé « Les Amis d’Halluin » le 12 juin 1929.
Aussi, travaillant en étroite collaboration avec Messieurs Victor et Raymond Hottelart, Alfred Maret autres personnalités halluinoises, il occupa les fonctions de trésorier et administrateur de la Mutelle des anciens sous-officiers et caporaux français, durant quarante ans ! C’est à ce titre, pour son rôle au sein du groupement, qu’Henri-France Delafosse reçut la Médaille d’Honneur de la Mutualité et, surtout, les insignes d’Officier du Mérite Social (décoration assez rare à l’époque pour être mentionnée).
Il se dévoua également, durant plusieurs années, comme secrétaire du groupe des Familles nombreuses.
A la Libération, il participe en sa qualité de conseiller municipal aux affaires de la ville. Considérant que de graves dissensions au sein du conseil municipal d’Halluin entravent l’administration de la commune, le Conseil des Ministres, présidé par M. Guy Mollet, décrète le 15 mars 1957, la dissolution du conseil municipal d’Halluin, et institue une délégation spéciale composée de trois membres : MM. Gustave Decamp, Henri-France Delafosse et Hildevert Wancquet le président.
Les séquelles de la guerre et la maladie l’emporteront à l’âge de 72 ans. Devant sa tombe, c’est Antoine Demeestere président en exercice de l’UNC qui fit l’éloge du disparu :
« Notre camarade Henri-France Delafosse a représenté, aux yeux de tous, le dévouement au Pays, et cela, parce qu’il avait répondu à l’appel qu’il avait reçu, parce qu’il avait combattu courageusement et parce qu’en faisant son devoir, il avait été gravement frappé dans sa santé.
Notre ami avait son franc-parler avec chacun et il ne transigeait jamais avec ses principes.
Au cours d’entretiens que nous avions avec lui, il disait souvent : « Nous agaçons parfois avec nos revendications, avec nos défilés, avec nos décorations mais nous devons continuer à être les témoins du devoir accompli, nous devons continuer à élever une protestation contre le péché du monde que sont les guerres, nous devons continuer à être un reproche contre l’oubli et l’ingratitude ».
Et, c’est pourquoi, pendant près de 50 années, Henri-France Delafosse a lutté pour que ne soient pas oubliés ceux qui ne sont pas rentrés des champs de bataille et des camps de prisonniers, pour que soient soutenues les familles des disparus, pour que soient défendus ceux qui ont combattu, pour que soient aidés ceux qui avaient été frappés dans leurs corps et dans leurs santés, ces mutilés de guerre qu’il affectionnait particulièrement.
Il n’est pas besoin d’en dire davantage car toute une vie de dévouement est contenue dans ces quelques phrases… »
Le 1er octobre 1994, lors de l’hommage rendu par sa famille à l’occasion du centenaire de sa naissance, son grand ami Maurice Schumann, ancien ministre, académicien et sénateur du Nord écrivait ces mots :
« Vingt-huit ans après son rappel à Dieu, tous les Halluinois, tous les enfants du Nord qui ont eu le privilège de connaître Monsieur Delafosse continuent à se dire : Cet homme de bien a passé sa vie à mériter d’avoir eu deux prénoms et de s’être appelé France. En fondant la famille la plus nombreuse de la région, il a montré l’exemple de la vertu la plus rare : le courage quotidien devant la vie.
En gagnant la médaille militaire, il a légué à sa descendance le privilège de draper son cercueil avec le drapeau national. Les conseils judicieux qu’il m’a prodigués comme directeur de l’importante succursale d’une banque régionale m’ont prouvé qu’une parfaite connaissance des contraintes économiques n’avait pas émoussé son sens du devoir social. Oui Henri-France Delafosse était un cœur vaillant ».
Voilà résumé la trace indélébile laissée dans la cité par cet halluinois d’adoption, dont la descendance compte à ce jour plus de cent soixante dix enfants et petits-enfants.
A mon père, Henri-France Delafosse.
Daniel DELAFOSSE
LIENS : Le premier comité d'entraide aux combattants français était créé par les Halluinois, une première française !
La Libération d'Halluin - Septembre 1944 (19) Les résistants halluinois de l'ombre...
Le Syndicat d'Initiative "Les Amis d'Halluin" fut créé en 1929.
La Guerre 1914 - 1918 - Halluin (22) Henri-France Delafosse, Zouave Halluinois de la Grande Guerre... pendant 42 mois.
La Guerre 1914 - 1918 - Halluin (40) La Création de l'U.N.C. d'Halluin en 1920.
La Guerre 1914 - 1918 - Halluin (43) Le Groupe Halluinois des Mutilés de la Première Guerre Mondiale.
En 1936, la Famille Delafosse-Canar reçoit le 1er Prix Cognac-Jay, attribué par l'Institut de France.
La Guerre 1914 - 1918 - Halluin (55) En 1937, l'Amicale Halluinoise des Anciens Combattants élit son nouveau Président Henri-France Delafosse.
La Guerre 1914 - 1918 - Halluin (56) L'Halluinois Henri-France Delafosse fait Chevalier de la Légion d'Honneur à titre Militaire.
La Guerre 1914 - 1918 - Halluin (60) Les Funérailles de l'ancien Poilu Halluinois Henri-France Delafosse.
Marie-Antoinette Delafosse Danset nous a quittés.
Funérailles de "La Madelon Halluinoise" Marie-Antoinette Delafosse Danset - Hommage Familial.