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Publication relative à l'histoire de la ville d'Halluin 59250. Regard sur le passé et le présent.

La Libération d'Halluin - Septembre 1944 (15) Le journal intime de M. André Deprétère, Membre du Comité local de Libération nationale.




Né à Halluin en mars 1923, André Deprétère est jeune instituteur quand l’insurrection éclate entre le samedi 2 et le mercredi 6 septembre afin de libérer la ville de l’occupant allemand. Cet ami d’Alfred Simono, décédé récemment, nous a ouvert (NE 30 Août 2007) son journal personnel.

 

Sa mémoire est intacte. Sur les pages quadrillées d’un cahier qu’il destine à sa fille, André Deprétère a capturé le temps de ces évènements qui semble s’être figé pour toujours.

 

Il y a un jour de particulièrement gravé, le samedi 2 septembre 1944.

 

« Déjà, le 2 septembre 1939, j’avais conduit mon père à la gare, il venait d’être mobilisé ».

 

Et de présenter son brassard de FUJP, attestant qu’il a été membre du comité de libération. Un bout de tissu qui reflète toutes les souffrances, toutes les peurs.

 

« J’avais 21 ans, les Allemands avaient affiché en ce samedi 2 septembre 1944, il y a 63 ans, un avis interdisant tout déplacement à bicyclette, alors le plus important moyen de transport. Les temps étaient durs, les tickets de pain étaient les bienvenus, il fallait s’adapter au système de ravitaillement, à la pénurie. La faim la plus terrible, c’était entre 1940 et 1942 ».

 

André Deprétère qui revendique sa modestie et son humilité, était né rue de la Libération et vivait alors au 25, rue de la Paix.

 

« Depuis le 25 août 1944, c’était la débandade de l’armée allemande », reprend-il.

 

« Les colonnes étaient hétéroclites, composées de charrettes, de bicyclettes réquisitionnées ou volées, d’attelages divers, mais les soldats ennemis étaient toujours fortement armés (fusils, mitrailleuses, mitraillettes et parfois un canon antichar). La peur était constante, les attaques aériennes des Britanniques monnaie courante ».

 

Ainsi, le vendredi après-midi, une voiture a été détruite rue de Lille. « L’atmosphère était nerveuse », se souvient-il, « samedi matin, 2 septembre 1944, je me rends rue de Lille, chez M. Blehaut,  directeur de l’école du Molinel et fondateur du Front National d’alors à Halluin qui recrutait des gens dans le cadre de la résistance.

 

Avec deux comparses, il venait de semer des clous triangulaires de 5 cm dans le haut de la rue de Lille (côté Roncq). L’un des deux acolytes M. Vandekerckhove, abritait chez lui un aviateur américain, le capitaine Conrad qui s’était blessé lors de son parachutage et était alors soigné par le docteur Bolvin.

 

En sortant, je me rends rue Neuve et je vois au loin, au niveau de la rue du Forage, des flammes provenant d’un camion militaire de marque française en feu. Des soldats s’agitaient rue de Lille ».

 

Ce jour-là, plus aucun tramway ne circulait rue de Lille sur l’axe de liaison Halluin-Roncq-Tourcoing. « Pendant toute la guerre, ce tramway était bondé », atteste André Deprétère.

 

Toujours ce samedi, il va rendre ensuite visite à ce M. Vandekerckhove,  près de l’église du Mont pour lui proposer ses services.

 

« Je rentre alors chez moi par le chemin de Loisel où nous rejoignent deux hommes. Deux chasseurs américains foncent sur nous et nous agitions les bras pour qu’ils nous épargnent.

 

L’heure de l’insurrection sonne vraiment. Je retourne chez M. Blehaut vers 13 h 30. J’y rencontre celui qui commande les FFI d’Halluin. On part chez Vercruysse où se trouvent des armes, à l’angle des rues de Lille et Barbusse.

 

Rue de Lille, on est dépassés par une voiture allemande portant un drapeau de la Croix-rouge. A la hauteur du monument aux morts, on entend des coups de feu, la voiture allemande est allée percuter la façade du Violon d’or à l’angle des rues de la gare (aujourd’hui M. Nollet) et de Lille ».

 

La tension monte d’un cran. « Un convoi allemand de plusieurs camions arrive de Roncq et l’on décide de se réfugier dans un garage (à l’emplacement actuel de la maternelle Montessori) par crainte des représailles.

 

On rejoint Vercruysse par les rues J. Jaurès et Zola. Contre l’édicule, à l’angle de la place, rue de la gare, j’aperçois un fusil-mitrailleur français tenu par un douanier », et André Deprétère ne cesse de fouiller avec humilité dans sa mémoire, « on se réfugie à la taverne Régina à l’angle des rues de la gare et Jean Jaurès. On aperçoit alors au fond de la place une file d’hommes portant des brassards FFI et, pour certains, des armes apparentes. Des silhouettes qui longent le mur de la propriété Sion, face à la gendarmerie. »

 

« Je reconnais mon ami Alfred Simono, Julien Vandekerckhove et d’autres. Ces hommes ont cherché à occuper la gendarmerie. L’anarchie a alors pris le dessus. Contre l’édicule, le fusil-mitrailleur avait disparu et cessé de tirer.

 

Un dénommé Cornette en profite pour essayer de traverser la rue de la gare pour rejoindre son domicile, impasse du Mamelon Vert. Il est touché par une rafale de mitrailleuse. Heureusement, il n’est que légèrement blessé au mollet. A son tour, il se réfugie à la taverne Régina ».

 

André Deprétère se rappelle distinctement le bruit des bottes allemandes qui dévalent de chaque côté de la rue de la gare.

 

« On entendait les commandements et les invectives qu’ils s’échangeaient entre les deux trottoirs. De temps à autre, résonnait un bruit d’explosion. Les Allemands avaient balancé une grenade dans le café Saint-Venant, à l’angle de la rue du Midi (aujourd’hui Maurice Simono) et une autre dans le café Debock à l’angle des rues Traversière (aujourd’hui D. Casanova) et Jean Jaurès. Il n’y a eu qu’un blessé ».

 

André Deprétère quitte son poste d’observation pour se réfugier à l’arrière du café dans la cuisine qui donne sur une petite cour qui, elle-même, s’ouvre sur la rue Jean Jaurès.

 

« On entend un bruit de chenille et après une longue attente, on décide de sortir. Je rentre en fin d’après-midi chez moi, rue de la Paix par les rues Jean Jaurès et Jules Guesde. J’étais complètement abattu ».

 

André Deprétère raconte ensuite, dans son appartement lillois, ce qu’on lui a dit et rapporté.

 

« La nuit du samedi 2 au dimanche 3 fut très agitée, des tireurs s’étaient postés dans le jardin public et ouvraient le feu sur les convois allemands, un coup de canon a touché la fenêtre du café de la rue Pasteur et une autre maison Lemaitre ».

 

Déjà, le samedi, les Allemands avaient incendié la maison Vandewaele, rue de Lille, juste avant le jardin public en venant de Roncq. Et puis ils pont pris des otages en rentrant dans les maisons.

 

« Les otages ont été embarqués dans un camion et M. Dennetière, attaché sur le devant de ce véhicule, a été tué dans la nuit de samedi à dimanche », reprend André Deprétère, « Dimanche matin, je me suis rendu en mairie ainsi qu’au café du Lion d’or où était installé le PC des FFI. J’y ai passé la majorité de la journée et des nuits, je me devais de représenter le comité local de la libération d’Haluin ».

 

« Menin a été libérée le samedi 2 septembre par les chemises blanches mais une colonne allemande chargée d’occuper les ponts sur la Lys ont repris Menin aux chemises blanches », poursuit-il, « il s’agissait de permettre aux derniers véhicules allemands de passer dans leur retraite.

 

A ce moment-là, les FFI sous la direction notamment d’Alfred Simono et d’Aimé Bosteels se sont avancés dans le quartier des Baraques. Ils ont pris position, se sont postés au coin de la rue de Mouscron et ont tiré sur les Allemands pour les empêcher de venir à Halluin.

 

Le lundi 4 septembre 1944, les échanges de coups de feu ont été importants aux Baraques, le mardi après-midi, MM. Simono et Bosteels sont allés au-devant des Allemands pour demander une reddition, un geste d’audace finalement ponctué d’une trêve, les uns et les autres retrouvent leur position.


On peut dire qu’Halluin a vraiment été libérée le mercredi 5 avec l’arrivée des Anglais (Bruxelles avait été libérée le 3 septembre). Jeudi matin, Mme Dennetière s’est rendue en pleurs en mairie, dans la salle des mariages, un moment poignant ».

 

André Deprétère certifie que ce qu’il a écrit dans son cahier est « ce qu’il a vécu et ce que mon ami Alfred Simono m’a raconté ». 63 ans après, il raconte toujours cet épisode au présent.

 

 

(Archives, D.D., Presse).

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