Publication relative à l'histoire de la ville d'Halluin 59250. Regard sur le passé et le présent.
Par Brandodean
« Pas facile de débuter une carrière de journaliste en locale par une confrontation quotidienne avec un Albert Desmedt.
Pour le jeune débutant que j’étais en arrivant à Halluin en 1976, la cohabitation avec un monument comme « Albert » qui plus est dans un titre concurrent, ne pouvait que receler des pièges aussi subtils que formateurs.
Difficile pour ne pas dire impossible de « griller » un reporter blanchi sous le harnais, à l’existence rythmée par trente années de ces évènements qui font ou défont la vie locale et le contenu de nos journaux. Le quatrième sous-secrétaire d’une association d’anciens combattants du fin fond de la Vallée de la Lys venait-il à décéder, qu’il l’apprenait dans le quart d’heure suivant…
Et puis parfois, lorsque par chance ou par opiniâtreté l’enthousiasme parvenait à prendre le pas sur l’expérience, quand notre journal pouvait se targuer d’un de ces petits « scoops » qui font le sel d’une vie de journaliste, il fallait s’attendre très vite à la réponse du berger à la bergère. Au petit billet regorgeant de perfide ironie et signé du redouté pseudonyme « Adès », qui remettait les choses à leur place et faisait jaser pendant des lustres dans les chaumières d’Halluin et d’ailleurs !
Le jour de la retraite venu, Albert eut droit au pot de l’amitié servi au foyer des anciens, en présence d’un bataillon de fines plumes venues des quatre coins du département. Ce soir-là, dans son discours émaillé comme toujours d’anecdotes cocasses et de persiflages sentis, il ne nous sembla pas trouver l’habituelle nuance de regret propre à ceux que l’on appelle pudiquement les « néo-retraités ».
Pas du tout l’impression de voir un grand livre se fermer, mais plutôt la sensation fugace d’en apercevoir un autre prêt à s’ouvrir. Seuls ses proches savaient à quoi s’en tenir. Albert mijotait déjà son coup : sa retraite ne serait pas inactive…
La nouvelle de sa candidature aux élections municipales de 1983 en fit sourire plus d’un. Sa prétendue inexpérience des affaires politiques, l’apparente improvisation de sa campagne électorale tout autant que la qualité de gestion reconnue de l’équipe en place, contribuèrent à n’en faire qu’un possible outsider là où il aurait fallu voir un favori. Je fus de ceux qui jugèrent sa victoire improbable et qui l’écrivirent. Et qui se trompèrent.
Est-ce au fait de l’avoir reconnu que je dus, quelques mois plus tard, le privilège de recueillir ses souvenirs de résistance de « FFI ressuscité » ? Ce jour-là, il se rendit seul pour la circonstance, le temps d’une photo, au lieu exact où les Allemands l’abattirent un jour de 1944 rue de la Lys, et en me montrant l’endroit où son sang avait coulé dans le caniveau, son émotion n’était certes pas feinte.
Plus tard, les circonstances de la vie politique bien plus que l’ambition personnelle le poussèrent à briguer un autre mandat. Là encore face à des adversaires rompus aux joutes politiques, son sens de la formule et de la répartie firent merveille.
Pourtant, même représentant de l’assemblée départementale, Albert ne cessa jamais de se comporter en « homme de terrain ». Sa façon de s’intéresser aux problèmes des gens tint toujours autant de celle, attentive et concrète du reporter en mal de copie, que de celle de l’élu. Peut-être après tout les électeurs lui en étaient-ils gré.
Jamais lors d’un discours il n’oubliait ceux qui ne se contentaient pas de l’écouter, mais tentaient de le suivre stylo en main car il parlait sans notes. Et lorsqu’il se tournait vers nous en lançant : « je le dis pour mes amis journalistes » son regard se mettait soudain à briller d’une façon plus intense.
Libre à chacun de critiquer sa gestion des affaires de la commune. Halluin a perdu son maire, sa famille a perdu son mari, un père ou un grand-père adorés, et il nous faut ici avoir une pensée pour son épouse, aussi patiente et compréhensive avec l’élu qu’elle l’avait été tout une vie avec le reporter- …, ses ami résistants ont perdu l’un des leurs. Mais jeudi , c’est d’abord un journaliste qu’on portera en terre.
Adieu, confrère.
Philippe MARTIN
(Archives D.D., N.E.).
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