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Publication relative à l'histoire de la ville d'Halluin 59250. Regard sur le passé et le présent.

La Guerre 1914 - 1918 - Halluin (53) Toute une Population conduisait "Monsieur Paul" à sa dernière Demeure.



Il fut triste le réveillon du 31 décembre 1929 à Halluin, « Monsieur Paul » venait de disparaître, le 29 décembre, à l’âge de cinquante-cinq ans. On tournait une page de l’histoire de la commune d'Halluin.

 

Industriel, ancien adjoint au maire, fondateur du groupe halluinois des familles nombreuses, de la concordia-harmonie, il fut l’une des grandes figures halluinoises du début du vingtième siècle ; artisan, notamment, de la construction de l’hospice du mont d’Halluin, magnifiquement transformé (en 1989) en maison de retraite, mais aussi généreux donateur du terrain pour la construction du monument aux Morts, situé rue de Lille.

 

Issu d’une vieille famille halluinoise qui, non seulement fournit à la cité de nombreux magistrats municipaux, mais dont les membres furent ici les créateurs de l’industrie textile, M. Paul Lemaitre-Boutry était le fils de M. Paul Lemaitre-Bonduelle, ancien conseiller général, maire d’Halluin pendant vingt-sept ans, le petit-fils de M. Lemaitre-Demeestere fondateur de la maison Lemaitre-Demeestere, et l’arrière petit-fils de M. Pierre Demeestere-Delannoy nommé maire d’Halluin en 1830.

 

Elu conseiller municipal le 6 mai 1900, prenant la place de son père, maire de la ville, qui ne sollicitait plus le renouvellement de son mandat, Paul Lemaitre fut réélu le 1er mai 1904, et nommé adjoint le 13 mai suivant.

 

Il sut mener de pair les obligations de cette nouvelle charge avec le souci des affaires commerciales. Grâce à lui, lors des sinistres inventaires, il fut possible de transformer en blockhaus notre église, pour résister de manière efficace au siège en règle des sectaires assaillants ; cette conduite courageuse lui valut la suspension de ses fonctions le 10 mars 1906, puis la révocation par la Préfecture.

 

Le 17 mai 1908, les fonctions d’adjoint lui étaient de nouveau confiées. Aux élections du 3 mai 1912, les électeurs firent sur son nom, une belle manifestation de sympathie : Paul Le maitre était élu en tête de liste, puis bientôt renommé adjoint à l’unanimité.

 

Au cours de son mandat, M. Lemaitre s’occupa avec une particulière compétence des services publics. Il apporta ses soins et son dévouement à la construction du superbe hospice-hôpital du mont d’Halluin, établissement si nécessaire alors à la ville, attentif à gérer les affaires communales, à créer des œuvres durables, et à se montrer économe des deniers des contribuables.

 

Mais là où il se distingua surtout, où il donna la mesure de ses moyens, ce fut au cours de l’occupation.

 

Au moment de la déclaration de la Première guerre mondiale, Paul Lemaitre était âgé de 39 ans, et adjoint au maire. Père de dix enfants, il lui fut permis de demeurer à Halluin. M. Pierre Defretin le maire, l’autre adjoint M. Louis Odou-Loridan, étant tous deux septuagénaires, lui confièrent l’administration de la ville dès l’arrivée des Allemands, le 16 octobre 1914.

 

En cette qualité, M. Lemaitre eut de constants rapports avec la kommandantur. Intermédiaire entre la population et l’autorité ennemie, il fut sans cesse l’objet des injures et des menaces des officiers, et eut à répondre à des réquisitions chaque heure, de jour comme de nuit. On le recherchait pour lui dire : « Monsieur Paul, on vous demande à la kommandantur ».

 

Il s’y rendait quand même, malgré son sentiment instinctif de révolte car il savait l’accueil qui l’attendait, la nature des ordres qu’il allait recevoir, et les insultes dont il allait être abreuvé.

 

Il fut emprisonné six fois pour des périodes variant entre six et quinze jours, pour avoir résisté aux prétentions allemandes notamment au sujet du paiement des contributions de guerre, et surtout du refus de payer le travail des ouvriers dans les usines.

 

 Ce fut à cette époque le 30 juin 1915, que parut la fameuse lettre du commandant de place exigeant que tout ce dont l’autorité allemande avait besoin pour l’entretien des troupes, fut fabriqué par des ouvriers du territoire occupé sous peine de destruction de la Ville. Cette lettre put être expédiée à Paris, et fut publiée par tous les grands quotidiens de la capitale.

 

La reproduction de cet écrit amena l’ouverture d’une enquête faisant subir à M. Lemaitre de nouvelles insolences et menaces de mort. Malgré cela, Paul Lemaitre fit preuve d’une énergie admirable, d’une patience raisonnée et d’un patriotisme ardent.

 

C’est grâce à lui que les offices purent encore être célébrés, le dimanche, dans notre église que les Allemands voulaient accaparer. Il intervint aussi, mais sans succès, pour empêcher de transformer cette belle église en écurie, pour les chevaux des soldats de la Garde impériale. Et, c’est la rage au cœur et les larmes aux yeux, qu’il vit enlever les cloches qu’il avait supplié la kommandantur de laisser.

 

Des camps de prisonniers russes furent installés à Halluin ; il intervint pour protester contre les brutalités exercées sur ces malheureux par les soldats allemands qui les surveillaient. Plus tard, lorsque des prisonniers anglais, italiens, français furent gardés dans les usines de la ville, il parvint, à l’aide de mille subterfuges, à leur remettre des vivres, du linge, des vêtements.

 

Il protesta contre l’emploi près des lignes de feu d’habitants valides de la ville, et travailleurs civils amenés en Belgique. Il refusa toujours de livrer les listes des assistés pour les soustraire le plus possible au travail pour l’ennemi.

 

 Pendant toute la durée de l’occupation, M. Lemaitre fit tout ce qui était humainement possible pour le ravitaillement de la population en vivres, linge, charbon, et se dépensa sans compter avec un dévouement et une bonté admirables, pour rendre à ses concitoyens, sans distinction, tous les services qu’ils réclamaient de lui. Jour et nuit il se tint à leur disposition, sans souci de sa famille et de lui-même.

 

En juin 1917, lorsque l’autorité allemande émit la volonté d’évacuer la ville par moitié, il protesta encore et réclama l’application de toutes les mesures propres à rendre le départ des habitants le moins pénible possible.

 

A l’évacuation générale, le 30 septembre et le 1er octobre 1918, il partit l’un des derniers, par le Mont d’Halluin. Quelques jours plus tard, la délivrance d’Halluin sonna joyeusement le 17 octobre 1918.

 

 Le lendemain, Paul Lemaitre était de retour et dès le 25 octobre, il réunissait le conseil municipal qui prenait, de concert avec les autorités anglo-françaises, les premières mesures propres à assurer l’alimentation , l’assainissement, la désinfection et la réorganisation de la ville. Les halluinois respiraient enfin, délivrés de ce cauchemar qui avait causé beaucoup de vide et de souffrances.

 

Catholique convaincu, Paul Lemaitre se dévoua sans compter pour les œuvres paroissiales, particulièrement le Cercle Saint-Joseph et les écoles libres, qu’il considérait comme l’œuvre primordiale. Il était aussi membre du Conseil paroissial.

 

La guerre terminée, ce père de onze enfants, comprit, que pour remplacer les trop nombreux disparus, il fallait encourager et aider la natalité, grouper et soutenir les nombreuses familles. Il en prit l’initiative, et avec l’aide de quelques amis, fonda la section des familles nombreuses d’Halluin, dont il était le président d’honneur et l’un des principaux animateurs.

 

Patriote ardent, il était vice-président de la société « Les Frères d’Armes », et membre d’honneur des sociétés patriotiques. Il encouragea et soutint les sociétés musicales et sportives halluinoises. Il fut également le fondateur de la Concordia-Harmonie. Chef d’industrie, il était toujours en quête des derniers perfectionnements dans la technique du tissage.

 

Sa santé étant ébranlée, à l’expiration de son mandat en novembre 1919, il crut devoir renoncer à sa candidature au conseil municipal. Cependant bien qu’éloigné de la mairie, il n’en continua pas moins à s’intéresser à la ville

 

Il fit dans un endroit des mieux choisis, l’acquisition d’un terrain, qu’il mit à la disposition du comité de souscription, pour l’érection d’un monument aux Morts de la guerre. Il combla même le manquant, et c’est ainsi qu’Halluin peut-être fière de posséder, à la mémoire de ses glorieux disparus, une œuvre d’un caractère grandiose qui fait l’admiration de tous.

 

Bien que la modestie de M. Lemaitre fut rebelle aux distinctions, on aurait pu croire que ses grands mérites eussent attiré l’attention du pouvoir, mais celui-ci parfois si prodigue dans ses distributions, se contenta de lui octroyer en 1923, la médaille de la Reconnaissance Française.

 

Les funérailles de Paul Lemaitre ont donné lieu à une grande manifestation de reconnaissance, le vendredi 3 janvier 1930 en l’église Saint-Hilaire. Il repose depuis dans le caveau établi à proximité du monument élevé à la mémoire des halluinois morts pour la France.

 

De mémoire, jamais pareille cérémonie n’avait été vue à Halluin, ou plutôt il fallait se reporter aux funérailles de M. Paul Lemaitre-Bonduelle, son père, pour se rappeler d’une telle manifestation. Presque toutes les familles halluinoises étaient représentées, dans le long convoi qui suivait la dépouille mortelle de celui que le peuple appelait « Monsieur Paul », et qui laissa à tous ceux qui l’ont connu, aimé et apprécié, le souvenir d’une bonté proverbiale et d’un dévouement infatigable .

 

 

                                                 Daniel DELAFOSSE

 

(Archives personnelles D.D.)

 

 

Madame Veuve Edouard Lemaitre


 

"Il est impossible de parler de la famille Lemaitre, sans évoquer la mémoire de Mme Veuve Edouard Lemaitre née Duprez Elisabeth."

 

Décédée à Roncq (Nord) le 2 février 2000 dans sa 95ème année, elle était la Belle-fille de Paul Lemaitre-Boutry ou «Monsieur Paul », lui-même fils, petit-fils et arrière petit-fils de trois maires successifs !

 

Madame Edouard Lemaitre-Duprez faisait partie de l’équipe qui a lancé le journal paroissial « La Vie Chez Nous », en 1948.

 

Elle était également aux débuts de l’Action Catholique, pour témoigner de sa foi dans son milieu à l’instar de l’Abbé Cardijn pour le monde ouvrier.

 

Témoin dans l’Eglise, elle était aussi témoin dans la ville. En 1943, elle participait activement à la commission des Affaires sociales, et à la commission de l’Hospice d’Halluin.

 

Cette pionnière s’est aussi investie dès 1945, comme assesseur au Tribunal d’enfants, aux côtés d’un juge.

 

En 1960, Elisabeth Duprez s’envole en Côte d’Ivoire. Ce n’était pas l’époque des voyages touristiques ! Parce que de nombreux liens d’amitié se sont renforcés là-bas, Edouard et Elisabeth Lemaitre ont accueilli Julienne, cette petite Africaine malade, pour la soigner à Halluin et à Berck.

 

Malheureusement Julienne est décédée à l’âge de 15 ans.

 

Ainsi Madame Lemaitre qui n’a pas eu d’enfants a fait vivre beaucoup d’enfants, beaucoup de jeunes, beaucoup de familles. Pour ses neveux, pour ses filleuls, pour ses amis, elle restera la « tante Zaza », gaie, courageuse, pleine d’humour et qui savait se rendre si proche de chacun.

 

 

(Archives D.D., « La vie chez nous »).

 

 

Madame Veuve Edouard Lemaitre Duprez était la dernière « mémoire vivante » de cette famille halluinoise qui administra la ville de septembre 1830 à mai 1900 soit 70 ans !

 

Aussi, il est bien regrettable qu’à ce jour, aucun bâtiment, square, espace ou rue n’ait été dénommé sur Halluin pour cette lignée prestigieuse, en reconnaissance des services rendus à la population halluinoise, et notamment, dans une période exceptionnelle, par M. Paul Lemaitre-Boutry  !

                                                                                              Daniel DELAFOSSE


 (Article publié dans ce blog depuis Mars 2007).

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